Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/92

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santé de dona Mencia. Je suivais son exemple ; et il me semblait quelquefois que Camille, qui trinquait avec nous, me lançait des regards qui signifiaient quelque chose. Je crus même remarquer qu’elle prenait son temps pour cela, comme si elle eût craint que son frère ne s’en aperçût. Il n’en fallut pas davantage pour me persuader que la dame en tenait, et je me flattai de profiter de cette découverte, pour peu que je demeurasse à Valladolid. Cette espérance fut cause que je me rendis sans peine à la prière qu’ils me firent de vouloir bien passer quelques jours chez eux. Ils me remercièrent de ma complaisance ; et la joie qu’en témoigna Camille me confirma dans l’opinion que j’avais qu’elle me trouvait fort à son gré.

Don Raphaël, me voyant déterminé à faire quelque séjour chez lui, me proposa de me mener à son château. Il m’en fit une description magnifique, et me parla des plaisirs qu’il prétendait m’y donner. Tantôt, disait-il, nous prendrons le divertissement de la chasse, tantôt celui de la pêche ; et si vous aimez la promenade, nous avons des bois et des jardins délicieux. D’ailleurs, nous aurons bonne compagnie : j’espère que vous ne vous ennuierez point. J’acceptai la proposition, et il fut résolu que nous irions à ce beau château dès le jour suivant. Nous nous levâmes de table en formant un si agréable dessein. Don Raphaël me parut transporté de joie. Seigneur Gil Blas, dit-il en m’embrassant, je vous laisse avec ma sœur. Je vais de ce pas donner les ordres nécessaires, et faire avertir toutes les personnes que je veux mettre de la partie. À ces paroles, il sortit de la chambre où nous étions ; et je continuai de m’entretenir avec la dame, qui ne démentit point par ses discours les douces œillades qu’elle m’avait jetées. Elle me prit par la main, et regardant ma bague : Vous avez là, dit-elle, un diamant assez joli ; mais il est bien petit. Vous connaissez-vous en pierreries ? Je répondis que non. J’en suis fâchée, reprit-elle ; car vous me diriez ce que vaut