Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/363

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la maison des Guzmans d’Abrados. C’est à ce jeune seigneur et aux enfants qu’il aura de ma fille que je prétends laisser tous mes biens, et les annexer au titre du comte d’Olivarès, auquel je joindrai la grandesse ; de manière que mes petits-fils et leurs descendants sortis de la branche d’Abrados et de celle d’Olivarès passeront pour les aînés de la maison de Guzman.

Eh bien ! Santillane, ajouta-t-il, n’approuves-tu pas mon dessein ? Pardonnez-moi, Monseigneur, lui répondis-je, ce projet est digne du génie qui l’a formé ; mais qu’il me soit permis de représenter une chose à Son Excellence sur cette disposition. Je crains que le duc de Medina Sidonia n’en murmure. Qu’il en murmure s’il veut, reprit le ministre, je m’en mets fort peu en peine. Je n’aime point sa branche, qui a usurpé sur celle d’Abrados le droit d’aînesse et les titres qui y sont attachés. Je serai moins sensible à ses plaintes qu’au chagrin qu’aura la marquise de Carpio, ma sœur, de voir échapper ma fille à son fils. Mais, après tout, je veux me satisfaire, et don Ramire l’emportera sur ses rivaux ; c’est une chose décidée.

Le comte-duc, ayant pris cette résolution, ne l’exécuta pas sans donner une nouvelle marque de sa politique singulière. Il présenta un mémoire au roi, pour le prier, aussi bien que la reine, de vouloir bien marier eux-mêmes sa fille, en leur exposant les qualités des seigneurs qui la recherchaient, et s’en remettant entièrement au choix que feraient leurs Majestés : mais il ne laissait pas, en parlant du marquis de Toral, de faire connaître que c’était celui de tous qui lui était le plus agréable. Aussi le roi, qui avait une complaisance aveugle pour son ministre, lui fit cette réponse :

Je crois don Ramire Nunez digne de doña Maria : cependant choisissez vous-même. Le parti qui vous conviendra le mieux sera celui qui me plaira davantage.

Le Roi.