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à force d’aimer

des événements. Le drame qui se passait entre ces deux êtres avait son histoire dans leurs âmes plutôt que dans les circonstances. Avec des caractères différents, ils n’eussent peut-être trouvé dans tout cela qu’une source d’émotions et d’actions de la plus parfaite banalité.

Le fait seul que les yeux de cet homme se mouillaient transformait la signification de la pénible scène. Un peu de pitié, de douloureux amour, détachait sa cuirasse d’orgueil, de rancunière jalousie. Son égoïsme intellectuel, l’intolérance de sa personnalité, laissaient donc enfin glisser jusqu’à son cœur un courant de sympathie, lui permettaient d’être un instant le frère de cette pauvre femme, qu’il avait considérée jusque-là comme une créature très distante et inférieure, guidée par les obscures impulsions du sentiment, dont sa propre raison ne reconnaissait pas l’empire.

Certes l’attendrissement ne dura pas, et le geste fut brusque dont Horace effaça, comme pour les renier, les larmes qui humectaient ses paupières. Il n’eût pas souffert qu’Hélène lui en demandât l’explication. Elle ne s’y hasarda pas. Toutefois, pour tous les deux, un apaisement suivit. Comme si toute une effervescence de leurs impulsions les moins tendres n’avait pas interrompu leur causerie d’avenir et leurs baisers, ils se remirent à parler de leur prochain mariage. Sans transition,