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à force d’aimer

la vérité, et dont les soupçons, tout de suite, allèrent au delà, s’écria, d’une voix où tremblaient le désappointement, la rage, un brutal désir de meurtrir moralement :

— « Pourquoi ?… Mais parce que je vous supposais honnête… que j’avais conservé ma foi en vous… Je vous croyais sauvegardée par la présence de notre enfant… Sans cela, je vous le jure, je ne serais pas venu troubler votre tête-à-tête amoureux. Excusez-moi… Je pouvais imaginer qu’au moins vous respectiez votre propre maison, l’innocence de ce petit être… »

Les premiers mots de cette apostrophe outrageante avaient fait sursauter Hélène, l’arrachant à son plaintif monologue comme à un songe. Ils précisèrent sa souffrance, qui, l’instant d’avant, s’égarait en une griserie de tristesse, flottait en brume indécise vers toutes les perspectives lamentables de sa vie. L’indignation la saisit. Une lucidité tragique étincela dans ses yeux. L’allusion d’Édouard à leur fils la fit se tourner vers le petit garçon. Quand elle vit que celui-ci relevait la tête, attentif, comprenant peut-être l’insulte, la calomnie dont on la salissait, elle se sentit poussée par une décision foudroyante. Les mouvements qu’elle accomplit aussitôt furent si rapides qu’à peine en eut-elle conscience. Elle courut à René, lui saisit la main, l’entraîna dans la pièce voisine. Puis, sans hésiter, elle marcha vers un