Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
à force d’aimer

Dans son exaspération, M. Vallery lança une phrase qu’il n’aurait jamais cru émettre jusqu’au moment où il se l’entendit prononcer :

— « Je vais divorcer, je vous l’ai dit… J’aurais pu vous épouser… reconnaître notre fils.

— Cinquante et un… cinquante-deux… » continua la jeune femme, ralentissant un peu les syllabes, mais donnant une intonation plus implacable encore à sa voix.

Avant qu’elle eût dit : « Cinquante-cinq, » Édouard avait ouvert la porte et disparu.

Elle s’élança, donna un tour de clef derrière lui, puis courut à la fenêtre, regarda par les volets entr’ouverts, afin de s’assurer qu’il quittait la maison.

Il traversa le jardin, suivi de la bonne, qui ouvrit la grille et la referma derrière lui. Cette fille avait été bien attentive à son départ ! Peut-être se tenait-elle aux écoutes. N’avait-on pas élevé la voix ? Qu’avait-elle pu saisir de la conversation ? Par un effet de circonspection habituelle, Mlle Marinval s’inquiéta un instant de cette circonstance. Mais, presque aussitôt, elle en écarta la préoccupation avec un geste d’indifférence. Et il semblait que, du même mouvement, elle éloignait de son âme, bientôt libérée, tous les mesquins détails de la vie.

Elle rejoignit son enfant.

René pleurait encore, dans une vague épouvante.