Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
à force d’aimer

sa pensée, ne laissait plus en équilibre que sa personnalité inconsciente d’institutrice raisonnable, corrigeant un problème ou expliquant une règle de grammaire. Mais, soudain, dans cet état presque bienfaisant, une image, une pensée se précisait. Alors c’était une secousse d’une douleur inouïe et une impatience indicible de la mort.

Au repas de midi, tandis qu’elle faisait semblant de manger, en face du bel appétit enfantin de son petit garçon, elle dit à René :

— « C’est jeudi aujourd’hui. Il n’y a plus de leçons. Si tu veux, nous ferons une promenade jusqu’à Fontanat. Nous irons voir ta nourrice.

— Oh ! oui, maman. Quel bonheur ! Est-ce que tu m’y laisseras jusqu’à demain ? »

Il se reprit et ajouta :

— « Que je suis étourdi ! Ce n’est pas possible, puisque demain, à dix heures, c’est la leçon de M. Fortier.

Hélène ferma les yeux, sous le choc dont l’ébranla ce nom.

Puis, au bout d’un instant, elle dit :

— « M. Fortier s’est absenté pour quelques jours. Il ne viendra pas demain. Aussi, justement, j’ai l’intention de te laisser chez ta nourrice, puisque cela t’amuse. »

C’était toujours une fête pour l’enfant de passer