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à force d’aimer

les bureaux du journal, accorder un rôle civilisateur aux richesses capitalisées, qui, disais-tu, se transforment en travail par leur placement en actions ou obligations de chemins de fer, de mines, de compagnies transatlantiques et autres ? Comme si tu ignorais le mécanisme des fonds d’État, transformant les citoyens qui possèdent en créanciers perpétuels et impitoyables de ceux qui ne possèdent pas ! Et comme si tu ignorais encore le jeu de la spéculation, qui inutilise, dans un va-et-vient stérile, des trésors incalculables, sans jamais les laisser descendre jusqu’aux régions industrielles qu’ils sont censés féconder !

— Pardon, » s’écria René, « vous n’aviez pas suivi la discussion, maître. Mes théories n’ont pas changé. Seulement…

— Il ne s’agit pas de tes théories, » interrompit Horace, « mais de tes sentiments. Réponds-moi, René. Qu’est-ce qui t’attire et te retient là ?… » (Encore une fois il désigna la fenêtre.) « Est-ce la fascination de cette monstrueuse fortune ?… ou la fascination… de… cette jeune fille ?

— Cette jeune fille ?… Elle est ma sœur !… »

Horace eut le retrait de corps et la crispation de visage d’un homme physiquement blessé.

— « Je ne te parle pas de celle-là, mais… de l’autre ?

— L’autre, je ne la connais pas… Je ne lui ai jamais parlé… »