Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
203
à force d’aimer

L’institutrice répéta le mot avec une gaucherie exotique de prononciation, qui le dépouillait de sa leste allure, de son claquement de pétard.

— « Le chic ?… Et vous, ma petite Germaine, est-ce aussi pour le chic que vous voulez entendre cette pièce dont tout Paris s’occupe d’avance ? »

Mlle de Percenay leva deux beaux yeux noirs, d’un sérieux profond :

— « Vous ne le croiriez pas si je vous le disais, » fit-elle. « Je désire l’entendre pour les mêmes raisons que vous, et je sais que vous en mourez d’envie. Vous avez la curiosité de tous les efforts des artistes et des penseurs vers un idéal nouveau. Vous prétendez que la société moderne, comme le vieux monde sous Auguste, attend son Messie, et vous courez à tous les précurseurs. Horace Fortier en est un, suivant vous, et l’auteur de La Force inconnue est son élève. Quel beau titre : La Force inconnue !

— Ah ! taisez-vous, petite folle !… » dit la Suédoise avec un ton et un sourire qui démentaient son injonction. « Que dirait votre père, monsieur le ministre, s’il vous entendait ? Il croirait que je vous entretiens de politique, et vous savez bien que je ne me le permettrais pas. »

Un léger rire accusa le retroussis hautain des lèvres de Germaine.