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à force d’aimer

la tête, elle eut la conscience presque douloureuse de son approche. Dans sa nervosité, elle crut percevoir, sur le velours du gazon, la pression des pas. Elle dit précipitamment à son valseur :

— « Permettez-moi de partager cette danse entre vous et M. Chanceuil. Il est arrivé trop tard pour que je lui en donne une tout entière. »

Un instant encore et son bras était sous celui de Ludovic. Mais, au lieu de valser, tous deux quittèrent la pelouse. Une charmille s’assombrissait, déserte, derrière les baraques de la fête. Ils la parcoururent une fois en silence, puis revinrent sur leurs pas. Huguette se disait : « Maintenant il va m’avouer le fond de sa pensée. Je vais entendre quelque chose de terrible. » Et elle souhaitait, comme un soulagement, qu’il prît la parole, car son appréhension, brusquement, était devenue intolérable.

— « Mademoiselle Huguette, » prononça le chef de cabinet d’un ton moins arrogant que de coutume et presque avec humilité, « je vous en supplie, ne me jugez pas mal ! Je vous aime… Je possède un moyen sûr d’obtenir votre main… J’en userai si vous m’y forcez. Tout homme aussi épris que moi en ferait autant à ma place.

— Quel est ce moyen ? » demanda Huguette.

— « Je préférerais ne pas vous le dire. Mais je vous donne ma parole d’honneur qu’il est infaillible.