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à force d’aimer

— « Mais, ma chérie, » dit le père, « ce n’était qu’une question. Je ne t’influencerai pas… »

Il fit cette déclaration d’une voix molle. Toutefois, comme elle ne répondait pas, toute convulsive, et le visage caché dans ses mains, il s’effraya.

— « Regarde-moi… Parle-moi… » s’écria-t-il. « Je te jure que tu n’épouseras pas Chanceuil, si ce mariage te déplaît. »

Elle releva la tête, étonnée de ce serment. Serait-il possible que son père fût encore libre ? Alors c’est que la chose affreuse du passé n’était pas irrémédiable.

Il ajouta :

— « Non… Je ne veux pas ton malheur… J’ai bien réfléchi… Il y a un autre moyen. »

Machinalement, Huguette demanda :

— « Un autre moyen… de quoi ?…

— De me sauver… Parce que… vois-tu… je dois te dire… » (sa voix s’embarrassa), « Chanceuil me tient… Oh ! en partie seulement… jusqu’à un certain point… D’ailleurs tu ne comprendrais pas… Ce sont les affaires. »

La jeune fille se calmait, essuyait ses yeux, mettait toute la force de sa volonté à distinguer quel était son devoir. Mais, en écoutant les phrases décousues de M. Vallery, elle trembla que, pour la décider, il ne se résolût à tout lui dire. Entendre son père s’accuser de quelque infamie, et être ensuite vis-à-vis de lui celle qui