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à force d’aimer

mère, et les tourments indescriptibles de cet amour, et l’adorable grâce physique et morale de la femme qui l’inspirait. Il dit aussi, en termes effroyables, sa haine pour l’homme qui l’avait séparé d’elle, et la tragique apparition de cet homme, au moment où lui, Horace, croyait pouvoir oublier enfin son exécrable existence.

Des images s’évoquèrent dans l’esprit de René. Il revit le jardinet de Clermont, et, à la grille, cette silhouette dans le crépuscule… C’était lui qui avait insisté pour faire entrer celui qu’il savait son père… Il se rappela le brusque départ d’Horace, et son cœur se crispa, comme toujours, lorsqu’il évoquait la scène inexplicable et angoissante qui suivit : ses parents debout l’un en face de l’autre, échangeant des regards et des paroles que lui-même ne comprenait pas, et qui pourtant le faisaient pleurer.

Une lumière lugubre éclata dans son cerveau. Des mots résonnaient à son oreille : « Mon enfant, tu viens de tuer ta mère. »

Il interrompit son maître par un grand cri :

— « Elle est morte volontairement… et c’est moi qui en étais cause !…

— Non, » dit Horace, « non, ce n’est pas toi… »

La voix du socialiste se brisa dans un rauque sanglot. Il n’ajouta rien tout d’abord. Pouvait-il s’accuser devant ce fils du coup mortel porté à