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à force d’aimer

La jeune fille hésita.

— « Dites-moi son nom, et je vous jure qu’en ce qui dépendra de moi vous ne l’épouserez pas.

— Il s’appelle Ludovic Chanceuil. »

René chercha un instant.

— « Chanceuil, le chef de cabinet de M. de Percenay ? »

Elle inclina la tête.

— « Voyez-vous, » murmura-t-elle, « j’aimerais mieux mourir que de devenir sa femme. »

Elle ajouta tristement :

— « J’ai peut-être tort de vous dire toutes ces choses… À quoi bon, puisque vous haïssez mon père autant que ses pires ennemis ? »

Le jeune homme eut un mouvement.

— « Oh ! je le sens bien, allez, » reprit-elle… « Et je ne puis pas vous en empêcher, puisque je n’en sais pas la raison. Je ne comprends guère davantage pourquoi je dois épouser un homme abominable… C’est affreux d’être une jeune fille !… On va dans la vie sans savoir… À présent j’ai peur de tout… Je me réveille, la nuit, avec des sursauts d’angoisse… Ah ! vous ne savez pas comme je suis malheureuse depuis quelques semaines !…

— Pauvre chère enfant ! Écoutez… Avez-vous un peu confiance en moi ?

— Beaucoup. Ah ! René, » s’écria-t-elle, prononçant pour la première fois ce petit nom fraternel, « vous avez si bien parlé de la bonté, cette