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à force d’aimer

tier avait beau dire, la campagne entreprise par l’Avenir social s’embarrasserait dans les tergiversations et les lenteurs, peut-être même n’aboutirait pas, sans le document que détenait Chanceuil. Celui-ci disparaissant, le fameux papier, trop bien caché par lui, devenait peut-être introuvable, ou tombait dans les mains de gens qui seraient heureux de le vendre au prix que Vallery pouvait y mettre. Ainsi, de nouveau, le silence se ferait autour des hontes irréparables. La vengeance n’éclaterait pas. La sensation de cauchemar dans laquelle vivait René disparaîtrait, avec l’invincible remords dont il était vaguement troublé. (Car, de temps à autre, s’éveillait en lui la voix disant : « Je suis son fils… son fils !… ») Et les beaux yeux de Huguette continueraient à s’ouvrir dans l’innocence et l’ignorance, — les beaux yeux, destinés, sans son fraternel secours, à des larmes si affreuses !

« Mais Chanceuil peut me tuer, » se dit une fois le jeune homme.

Cette réflexion n’amena sur ses lèvres qu’un sourire de fatalisme et de mélancolie.

Sa résolution était donc bien prise. Restaient les difficultés de l’exécution. Où, comment, à quel propos, insulterait-il Chanceuil assez gravement pour que des témoins acceptassent les conditions d’un duel à mort ? S’il laissait soupçonner au chef de cabinet qu’il connaissait sa conduite de Judas, il compromettrait Horace. Celui-ci, en