Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
à force d’aimer

dans sa chambre. Là, il resta en contemplation devant les arbres de ce jardin sacré dans lequel il entrerait tout à l’heure. Qu’ils étaient beaux, ces arbres ! Avec quelle douceur leurs cimes s’arrondissaient sur le ciel bleu ! Quelle tendresse indicible dans les ondulations de leurs feuillages ! Ô muettes choses ! de quelles passions bienfaisantes ou funestes le pauvre cœur humain ne fait-il pas frémir vos impassibles contours !

Rêve… — rêve bien supérieur à la réalité, qui le transforme en souvenir… René s’en grisa, dévoré d’impatience, jusqu’à l’heure fixée. Enfin, elle sonna !… Il était prêt depuis longtemps. Rien dans sa tenue fort simple ne trahissait les soins anxieux donnés à sa toilette. Mais le choix de sa cravate et de ses gants, le moindre pli de sa jaquette, lui avaient causé des préoccupations inconnues. Des regrets l’avaient saisi d’être si peu au courant de la mode. Chaque détail, jusque-là inconsciemment adopté, soulevait un problème. Pourtant, son miroir, en reflétant son jeune et mâle visage, ses admirables yeux, son front gracieusement encadré de cheveux touffus et vivaces, sa bouche amoureuse sous sa martiale moustache, tout l’ensemble fier et passionné de sa physionomie, avait de quoi rassurer même une timidité plus farouche que la sienne.

À quatre heures, il se trouva devant la petite porte.