Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
311
à force d’aimer

Mais on s’élança. Et ceux qui le saisirent, l’inclinant en arrière, permirent à Marinval d’arracher son épée de cette gorge pantelante.

Un flot de sang jaillit, et, avec lui, un râle affreux…

Cependant la carotide n’était pas coupée. Le blessé respirait encore, malgré l’hémorragie, qui menaçait de le suffoquer. L’un des médecins procéda immédiatement aux lavages destinés à arrêter l’effusion du sang. L’air s’engouffra dans les poumons et en sortit librement. Chanceuil ne mourrait pas étouffé. Toutefois, pouvait-on le compter encore parmi les vivants, ce malheureux, avec son effroyable blessure, son visage livide, ses lèvres violettes, mouillées d’une écume sanglante, et ses paupières noircies de cadavre ?

À quelque distance, tournant le dos à l’abominable spectacle, René, la tête inclinée, la bouche muette, le torse nu, laissait le second médecin appliquer un pansement provisoire sur la blessure de sa poitrine et sur la plaie, très douloureuse, du côté.

Il s’étonnait du sentiment d’horreur qui se mêlait à la satisfaction de sa victoire. C’était donc plus difficile qu’il n’aurait cru de donner la mort à un homme, — même au plus méprisable et au plus dangereux des hommes ? La réaction contre l’état violent où il se trouvait tout à l’heure, et une assez forte perte de sang, le jetaient d’ailleurs