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à force d’aimer

au moins, moi, je connais mon faible, et jamais je n’épouserai une femme divorcée.

— Allons donc !… » fit la doctoresse.

Comme on n’avait pas allumé de lampes, l’obscurité grandissante empêcha de voir Hélène pâlir.

Il y eut un silence où l’on sentit comme une gêne. Puis Mme Giraudet reprit :

— « Vous qui êtes au-dessus des préjugés, qui nous prédisez l’avènement de l’union libre…

— Mais, chère madame, ce n’est pas une théorie que je développe. C’est un sentiment que j’avoue. Je prêcherais aussi bien la cuisine libre, si elle ne l’était pas, et je ne mangerais pas pour cela des ris de veau ni des cervelles, parce que je les déteste. Heu !… ces viandes molles et blanchâtres, quelle abomination !… »

Il mit une intonation comique à l’expression de son dégoût, cherchant à faire dévier la causerie, car il venait de sentir comme un souffle froid circuler entre eux. Mais qui donc avait-il pu froisser par une opinion toute personnelle sur le divorce ? « Madame » Marinval était veuve, et les Giraudet mariés pour la première fois.

Tandis qu’il parlait d’autre chose, la pensée éperdue d’Hélène restait cramponnée à cette phrase dite en l’air, à cet aveu d’une jalousie latente, qui retiendrait Horace d’épouser une femme dont le premier mari existerait encore. Un mari !… Mais pour elle, sa situation n’était-