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à force d’aimer

lui faisait Horace. Cela ne déplaisait pas à cet étrange amoureux qu’elle souffrît. Cependant il ne voulait pas la perdre. Mais, avec sa clairvoyance de psychologue et la froide force que lui donnait la domination de son amour par sa supérieure raison, il jugea se l’attacher plus encore par quelques durs caprices que par la plate douceur d’une conventionnelle admiration.

D’ailleurs il n’était pas fâché de lui faire comprendre qu’il trouverait exorbitante de sa part la prétention au mariage. Sa philosophie ne voyant rien de dégradant pour une femme dans le don passionné, consenti, de sa personne, il ne croyait pas être injuste en attendant pareille faveur de celle-ci, qui s’était ôté tout droit d’invoquer les préjugés. Au contraire, ne serait-ce pas condamner un premier et libre amour que de faire rentrer le second dans les barrières des conventions sociales ? S’il s’exaspérait à l’idée du roman secret d’autrefois, c’était, pensait-il, uniquement par jalousie, et non par l’impulsion d’une morale dont il connaissait trop le caractère relatif et contradictoire.

On aurait bien surpris Horace Fortier si on lui eût dit que cette morale, issue de l’idée religieuse qui pendant dix-huit siècles avait guidé ses ancêtres, conservait en lui le moindre lambeau de son empire héréditaire. Cependant, quelque indépendance qu’atteigne un esprit humain, il