Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/111

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J’assiste à une succession de paysages, voilà tout. Ni dans les voitures, ni sur les bateaux, ni dans les hôtels, je n’entre ne communication avec personne. Plus les physionomies paraissent sympathiques, plus je m’en éloigne. Le chapitre des aventures fortuites, des rencontres imprévues, n’existe pas pour moi. Je parcours l’espace comme un ballot de marchandises, sauf quelques jouissances pour les yeux qui en sont bientôt rassasiés.

Vous me disiez, chère demoiselle, que la poétique Italie me serait une source d’émotions nouvelles. Oh ! je crains bien qu’elle ne puisse me tirer de cet engourdissement qui s’empare peu à peu de toutes mes facultés. Vous m’avez donné bien des encouragements et des conseils, mais pour que je fusse impressionnable à la nature et à l’art, il aurait fallu me prêter votre âme, cette âme qui voudrait s’épanouir au bonheur, qui se met si vite à l’unisson de tout ce qui est beau, gracieux, doux, aimable ; qui a tant d’affinité avec ce qu’il y a d’harmonieux dans la lumière, les couleurs, les sons, la vie. Non que ce besoin de bonheur révèle en elle rien d’égoïste, au contraire ; si elle le