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LETTRES PORTUGAISES

procédé de meilleure foi qu’on n’a accoutumé d’avoir, parce que l’excès de mon amour me mettoit, ce semble, au-dessus de toutes sortes de soupçons, et qu’il méritoit plus de fidélité qu’on n’en trouve d’ordinaire. Mais la disposition que vous avez à me trahir l’emporte enfin sur la justice que vous devez à tout ce que j’ai fait pour vous. Je ne laisserois pas d’être bien malheureuse, si vous ne m’aimiez que parce que je vous aime, et je voudrois tout devoir à votre seule inclination ; mais je suis si éloignée d’être en cet état, que je n’ai pas reçu une seule lettre de vous depuis six mois. J’attribue tout ce malheur à l’aveuglement avec lequel je me suis abandonnée à m’attacher à vous. Ne devois-je pas prévoir que mes plaisirs finiroient plutôt que mon amour ? Pouvois-je espérer que vous demeureriez toute votre vie en Portugal, et que vous renonceriez à votre fortune et à votre pays pour ne penser qu’à moi ? Mes douleurs ne peuvent recevoir aucun soulagement, et le souvenir de mes plaisirs me comble de désespoir. Quoi ! tous mes désirs seront donc inutiles ! et je ne vous verrai jamais en ma chambre avec toute l’ardeur et tout l’emportement