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SENANCOUR.

il vivait dans une étroite intimité et qui comptait parmi ses membres Jules Bastide, plus tard rédacteur en chef du National et ministre des affaires étrangères en 1848, Albert Stapfer, l’un des premiers traducteurs français de Gœthe, et Auguste Sautelet, l’éditeur qui devait finir d’une façon si tragique.

Sainte-Beuve, dans ses Portraits contemporains, a très bien parlé de celte première faveur témoignée à Senancour, et il serait superflu d’y revenir après lui. Mais comment lui-même, Sainte-Beuve, avait-il connu Oberman ? Je sais qu’il fut toujours un formidable liseur, un fureteur d’une curiosité infatigable. J’incline à croire cependant que l’initiation lui vint d’Ampère, à moins qu’elle ne lui soit arrivée par l’intermédiaire de Charles Nodier, l’un de ceux qui n’avaient pas attendu celte sorte de renaissance pour reconnaître et saluer dans Oberman un ami, presque un frère.

L’affinité se déclara promptement et le critique, se souvenant de Joseph Delorme, donna dans les Portraits, en 1832, un premier coup de cloche, qu’il devait renouveler l’année suivante dans une préface demeurée fameuse parmi les lettrés i. Dès avant cela, un sourd travail d’opinion, nuancé de vif intérêt, s’opérait chez des esprits bien différents. Alphonse Rabbe, qui devait connaître Senancour par leur collaboration en biographie, Boisjolin, et Ballanche rendaient visite à l’écrivain dans sa modeste demeure, rue de la Cerisaie. Détail plus significatif encore et qu’on n’a pas assez remarqué, Pierre Leroux, dans le Discours aux artistes, inséré en

1 La réimpression de 1833 avait été préparée par M. de Boisjolin, l’éditeur bienveillant et lettré qui avait déjà réimprimé l’Amour et les Libres méditations. Boisjolin fut emporté en 1832 par le choléra, et l’Oberman qu’il avait préparé parut l’année suivante chez Abel Ledoux,