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XIV

tifs devenait tous les jours plus fâcheuse, et, pour comble de malheur, un renégat trahit leur secret.

Cernés dans leur retraite, ils allaient périr d’un affreux supplice. Cervantes les sauva par son dévouement. Il se déclara seul coupable, et fut amené aussitôt devant le dey d’Alger, le féroce Azan. Prières et menaces ne purent le séduire ni l’intimider ; il persista à déclarer qu’il n’avait point de complices, et qu’il était seul responsable. Son courage triompha de la férocité du dey. Celui-ci commença par confisquer les captifs, dont il espérait tirer de fortes rançons, et fit surveiller Cervantes avec un soin spécial. Mais le prisonnier sut tromper la surveillance des gardiens : il écrivit au gouverneur d’Oran et à des personnes influentes de cette ville espagnole pour leur indiquer les moyens de favoriser son évasion et celle de trois autres prisonniers du dey. Un More, chargé du message, fut pris et empalé aussitôt, et Cervantes, menacé d’un châtiment ignominieux et barbare, y échappa comme par miracle.

Cependant il ne perdait point l’espérance de recouvrer la liberté, et pour se consoler de ses tentatives avortées, il imaginait des moyens plus efficaces. Par l’entremise d’un renégat, nommé Giron, qui voulait se réconcilier à l’Église, il eut assez de crédit pour faire armer une frégate aux frais de deux négociants valenciens, résidant à Alger, Onofre Exarque et Baltasar de Torres. Le vaisseau était prêt, et soixante des princi-