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XLIX

de Persiles et Sigismonde, roman imité des Grecs, et qui devait rivaliser avec les Éthiopiques d’Héliodore.

En effet, l’ouvrage était prêt au printemps de l’année 1616 : il n’y manquait plus que la dédicace et le prologue. L’auteur se préparait à les écrire, lorsque son mal s’aggrava de telle sorte que, réduit à ne plus sortir, il dut faire chez lui la profession du tiers-ordre de Saint-François, dont il avait pris l’habit à Alcala, le 2 juillet 1613. Cependant, la chronicité de la maladie lui laissait quelques moments de rémission : alors l’espoir revenait avec les forces. Il lui en restait encore assez pour supporter la fatigue d’un court voyage. La petite ville d’Esquivias, où était domiciliée la famille de sa femme, n’était qu’à quelques lieues de Madrid : il s’y rendit pour changer d’air et de régime. Mais il s’assura bientôt que son état empirait visiblement. Sentant que sa fin était proche, et, résolu de mourir dans sa maison, il reprit le chemin de Madrid, accompagné de deux amis (f).

Il nous a raconté ce dernier voyage dans le prologue du Persiles, avec des particularités précieuses et très-intéressantes :

« Or il advint, cher lecteur, que deux de mes amis et moi, sortant d’Esquivias, nous entendîmes derrière nous quelqu’un qui trottait de grande hâte, comme s’il voulait nous atteindre, ce qu’il prouva bientôt en nous criant de ne pas aller si vite. Nous l’attendîmes ; et voilà que survint, monté sur une bourrique, un étudiant tout gris, car il était habillé de gris des