Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/149

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de mon adresse. Le baron aussitôt me nota comme un homme de génie, et me voua une éternelle amitié.

« Cette amitié m’était devenue précieuse. Au château de Lindenberg, je vis, pour la première fois, votre sœur, la charmante Agnès. Pour moi, dont le cœur était inoccupé et qui souffrais de ce vide, la voir et l’aimer furent la même chose. Je trouvai dans Agnès tout ce qui pouvait captiver ma tendresse. Elle avait alors à peine seize ans ; sa taille, légère et élégante, était déjà formée ; elle possédait plusieurs talents en perfection, principalement la musique et le dessin : son caractère était gai, ouvert et égal ; et la gracieuse simplicité de sa toilette et de ses manières contrastait avantageusement avec l’art et la coquetterie étudiée des dames parisiennes que je venais de quitter. Du moment où je la vis, je pris le plus vif intérêt à son sort. Je fis mainte question sur elle à la baronne.

« C’est ma nièce, » répondit cette dame. « Vous ne savez pas encore, don Alphonso, que je suis votre compatriote. Je suis sœur du duc de Médina Céli. Agnès est fille de mon second frère, don Gaston ; elle a été destinée au couvent dès le berceau, et elle prendra bientôt le voile à Madrid. »

Ici Lorenzo interrompit le marquis par une exclamation de surprise.

« Destinée au couvent dès le berceau ! » dit-il : « par le ciel ! voilà le premier mot que j’entends d’un tel projet. »

« Je le crois, mon cher Lorenzo, » > répondit don Raymond ; « mais écoutez-moi avec patience. Vous ne serez pas moins surpris quand je vous raconterai quelques particularités sur votre famille qui vous sont encore inconnues et que je tiens de la bouche même d’Agnès. »

Il reprit alors son récit en ces termes :