Page:Lichtenberger - La Philosophie de Nietzsche.djvu/99

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delà » quelconque, n’est au fond, probablement, qu’un symptôme de dégénérescence ; il crut comprendre que toutes les théories pessimistes ou quiétistes sont simplement un indice que ceux qui les ont pensées souffraient de quelque malaise physiologique. — Et comme il voulait guérir, il voulut l’optimisme. Éclairé par ses expériences de malade sur les causes réelles du pessimisme, il rassembla tout ce qu’il y avait en lui de force vitale pour réagir contre la souffrance, pour livrer à la maladie un suprême combat — au physique comme au moral. À force d’énergie, il triompha : il fut optimiste et revint à la santé : « Je découvris en quelque sorte à nouveau la vie, écrit Nietzsche dans son journal de 1888, je me retrouvai moi-même, je savourai toutes les bonnes choses, même les petites, comme d’autres pourront difficilement les savourer, — je fis de ma volonté de guérir, de vivre, ma philosophie. — Qu’on y prenne garde, en effet : les années où ma vitalité descendit à son minimum furent celles où je cessai d’être pessimiste : l’instinct de conservation m’interdit une philosophie de l’indigence et du découragement[1]. »


III


Le premier acte de la vie philosophique de Nietzsche, sa Naissance de la tragédie est l’affirmation éclatante d’un idéal nouveau, l’idéal tragique, et l’apologie enthousiaste d’Eschyle, de Schopenhauer, et de Wagner en qui il reconnaît les plus illustres représentants de cet idéal. De même, dans les dernières années de sa vie consciente, Nietzsche conclut de nouveau par l’affirmation plus triomphante et plus dithyrambique encore de son

  1. Mme Förster-Nietzsche, II, 1, p. 338 s.