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INFLUENCE DE WEBER 3l

une des parcelles les plus précieuses du patrimoine natio- nal de l'Allemagne; et ce sentiment lui revint avec une extraordinaire énergie, quand vingt ans plus tard il réen- tendit le Freischütz à l'Opéra de Paris, dans ce Paris qui l'avait si mal accueilli, où il se sentait perdu au milieu des étrangers, exilé, pauvre et sans ressources, loin de sa patrie : « Oh ! ma splendide patrie allemande! » écrivait-il à ce moment, au sortir de l'Opéra, « comme je t'aime, comme je te chéris, ne fût-ce que parce que le Freischütz est né sur ton sol ! Combien j'aime le peuple allemand qui aime le Freischütz, qui aujourd'hui encore croit aux merveilles de la plus naïve des légendes, qui aujourd'hui encore, parvenu à l'âge viril, ressent ces terreurs mystérieuses et douces qui firent frissonner son cœur au temps de sa jeunesse! charmante rêverie allemande, ô rêverie des bois, rêverie du soir, des étoiles, de la lune, du clocher du village qui sonne le couvre feu ! Combien est heureux qui peut vous comprendre, et croire, sentir, rêver, s'exalter avec vous! (i) » Ces sentiments que Wagner exprimait avec tant d'émotion en 1841 devaient bien être ceux qui agi- taient, plus confusément à la vérité, son cœur d'enfant alors qu'il assistait aux premières représentations du Freischütz. Un peu plus tard il vit, à sa grande joie, sa sœur Rosalie créer en 1824 sous la direction du maître le rôle de Preciosa, puis une autre de ses sœurs, Louise, jouer à Leipzig avec grand succès les rôles de Preciosa et de Silvana (1827). Et lorsque quatre ans après ces représen- tations triomphales du Freischütz a Dresde, "Wagner apprit que le maître était mort à Londres, le 5 juin 1826, miné par la maladie, la fatigue et le chagrin, son âme d'enfant fut remplie d'horreur et de désolation par cette fin mélanco- (1) Ges. Schr. 7, 220.