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III

                     Rienzi

Pour s'arracher à ce cercle de préoccupations mes- quines où il étouffait, et s'élever au-dessus des petites misères de la vie de musicien professionnel, Wagner se décida, vers le printemps de 1838, à se lancer dans une en- treprise de longue haleine, au risque même de perdre momentanément de vue tout but pratique immédiat. Il reprit un projet caressé depuis quelque temps déjà, et qui s'était précisé dans son esprit l'année d'avant, à la lecture du roman de Bulwer, Rienzi : il entreprit de porter sur la scène le personnage grandiose et sympathique du fameux tribun romain Rienzi, ce noble cœur, enflammé pour la liberté, épris des souvenirs de l'ancienne Rome, qui, trahi par l'entourage vulgaire et grossier au milieu duquel le sort l'avait placé, avait péri victime de son dé- vouement patriotique et de ses généreuses illusions (i). Il savait fort bien, en s'attaquant à un pareil sujet, qu'il ne pouvait pas espérer voir son nouvel opéra affronter les feux de la rampe dans un petit théâtre comme ceux qu'il avait connus jusqu'alors, mais qu'il lui fallait à tout prix, pour son œuvre, un cadre brillant et grandiose tel que le Grand-Opéra de Paris. Il n'hésita pas cependant et se mit à l'ouvrage sans s'inquiéter de savoir où Rienzi pourrait

(l) sur Rienzi voir en particulier: E. Reusz, Bayr. Blatte, 1889, p. 159 ss; Glasenapp, Wagner I, 261 ss ; Chamberlain, Das Dramatiques Wagners, p. 30 ss ; R. Wagner, p. 227 ss.