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THUCYDIDE, LIV. I.

avaient de précieux, montèrent sur leurs vaisseaux, et devinrent hommes de mer. Les Hellènes, peu après avoir, d’un commun accord, repoussé le Barbare, se partagèrent entre les Athéniens et les Lacédémoniens ; tant ceux qui avaient secoué le joug du roi, que ceux qui s’étaient armés pour la cause commune. Ces deux républiques étaient celles qui alors répandaient le plus d’éclat, puissantes, l’une par terre, l’autre par mer. Pendant quelque temps unies, elles finirent par se désunir, et se firent la guerre avec le secours des peuples qu’elles avaient dans leur alliance. C’était à elles que recouraient les autres Hellènes quand il leur survenait quelques différends ; en sorte que depuis la guerre des Mèdes jusqu’à celle-ci, tantôt se jurant la paix, et tantôt se faisant la guerre, ou combattant ceux de leurs alliés qui les abandonnaient, elles déployèrent un formidable appareil de guerre ; et, comme ils s’exerçaient avec ardeur au milieu des dangers, ils acquirent une grande expérience.

Chap. 19. Les Lacédémoniens commandaient leurs alliés sans exiger d’eux aucun tribut : ils les ménageaient pour les attacher au gouvernement oligarchique, le seul qui convint à la politique lacédémonienne. Mais les Athéniens, maîtres avec le temps des vaisseaux de leurs alliés, leur dictèrent à tous des lois, excepté à ceux de Chio et de Lesbos, qui cependant, ainsi que les autres, se virent soumis à des tributs pécuniaires ; et dans la guerre que nous écrivons, l’appareil militaire d’Athènes et de Lacédémone fut plus grand qu’il ne l’avait jamais été lorsqu’ils florissaient le plus avec les secours complets de tous leurs alliés.

Chap. 20. Voilà ce que j’ai trouvé relativement aux antiquités de l’Hellade, et, malgré les preuves suivies que j’ai présentées, on y croira difficilement ; car les hommes reçoivent indifféremment les uns des autres, sans examen, ce qu’ils entendent dire des événemens passés, même lorsqu’ils appartiennent à leur pays. Ainsi l’on croit généralement à Athènes qu’Hipparque était en possession de la tyrannie lorsqu’il fut tué par Harmodius et Aristogiton : on ignore qu’Hippias était l’aîné des fils de Pisistrate, qu’il tenait les rênes du gouvernement, et qu’Hipparque et Thessalus étaient ses frères. Harmodius et Aristogiton, au jour et à l’instant même qu’ils allaient exécuter leur projet, soupçonnèrent qu’Hippias en avait reçu quelques indices de la part des conjurés ; ils l’épargnèrent dans l’idée qu’il était instruit du complot : mais avant d’être arrêtés, voulant se signaler par un éclatant coup de main, ils tuèrent, dans l’hiéron appelé Léocorium, Hipparque, qu’ils y trouvèrent occupé de la pompe des Panathénées.

Il est bien d’autres choses qui existent encore de nos jours, et qui ne sont pas du nombre de celles que le temps effacées de la mémoire, dont cependant on n’a que de fausses idées dans le reste de l’Hellade. Ainsi l’on croit que les rois de Lacédémone donnent chacun, non pas un, mais deux suffrages ; et que les Lacédémoniens ont un corps de troupes nommé Pitanate, qui n’a jamais existé : tant la plupart des hommes sont indolens à rechercher la vérité, tant ils aiment à se tourner vers la première opinion qui se présente.

Chap. 21. Cependant, d’après les preuves les plus incontestables, on ne se trompera pas sur les faits que j’ai parcourus, si l’on m’accorde de la confiance, au lieu d’admettre ou ce que les poètes ont chanté, jaloux d’exagérer et d’embellir, ou ce que racontent des historiens plus amoureux de