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THUCYDIDE, LIV. I.

mens, et, suivant les clauses du traité, de terminer nos différends par les voies de la justice. Sinon, prenant à témoins les dieux vengeurs du parjure, nous essaierons de nous défendre contre les agresseurs ; nous vous suivrons dans la route où vous nous aurez conduits. »

Chap. 79. Ainsi s’exprimèrent les députés d’Athènes. Les Lacédémoniens, après avoir entendu les accusations des alliés contre les Athéniens, et le discours de ces derniers, firent retirer les assistans et délibérèrent entre eux sur l’objet qui les rassemblait. Le plus grand nombre inclinait à prononcer que les Athéniens étaient coupables, et qu’il fallait, sans différer, leur faire la guerre. Alors s’avança Archidamus, leur roi, personnage aussi distingué par sa modération que par sa sagesse. Il parla ainsi :

Chap. 80. « Et moi aussi, Lacédémoniens, j’ai acquis de l’expérience dans bien des guerres, et c’est ce que peuvent dire, comme moi, les hommes de mon âge que je vois ici ; en sorte qu’il n’est pas à craindre que quelqu’un de nous puisse désirer la guerre par inexpérience, comme cela pourrait arriver à des imprudens, ni parce qu’il la croira avantageuse et sûre. En réfléchissant mûrement sur celle qui est l’objet de nos délibérations, vous trouverez qu’elle ne peut être d’une médiocre importance. En effet, quand nous n’avons à combattre que nos voisins du Péloponnèse, les forces sont égales, et nous sommes bientôt sur les terres ennemies. Mais un peuple dont le territoire est éloignée, un peuple aussi habile dans la marine que bien pourvu de tout, riche de son trésor public et de l’opulence des particuliers, bien fourni de vaisseaux et d’hoplites, ayant et plus d’hommes qu’aucun autre pays de l’Hellade, et des alliés tributaires, faut-il donc légèrement entreprendre contre lui la guerre ? Et sur quoi compterions-nous pour attaquer de tels ennemis à la hâte et sans préparatifs ? Sur nos vaisseaux ? Mais nous en avons moins qu’eux ; et si nous voulons, tournant nos soins vers la marine, leur opposer une force rivale, il faudra du temps. Sur nos finances ? Mais sur ce point, nous leur cédons encore bien davantage : nous n’avons ni trésor public, ni ressources dans les fortunes privées.

Chap. 81. » Sera-t-on plein de confiance, parce que, ayant l’avantage du nombre et d’excellens hoplites, nous irons dévaster leur pays ? Mais ils ont encore bien d’autres pays dont ils sont maîtres, et ils tireront par mer tout ce dont ils auront besoin. Tenterons-nous de soulever contre eux leurs alliés ? Il faudra des vaisseaux pour les soutenir, puisqu’ils sont, la plupart, insulaires. Dans quelle guerre allons nous donc nous plonger ? car, si nous n’avons pas une marine supérieure, ou si nous n’interceptons les revenus qui servent à l’entretien de leurs flottes, c’est nous qui souffrirons. Alors nous ne pourrons plus, sans honte, rechercher la paix, surtout si nous paraissons agresseurs. Et ne nous livrons pas à l’espérance de voir bientôt cesser la guerre, si nous ravageons leurs campagnes. Je crains plutôt que nous ne la laissions en héritage à nos enfans, tant il est probable que les fiers Athéniens ne se montreront ni esclaves de leur territoire, ni épouvantés de la guerre, comme une nation sans expérience.

Chap. 82. » Je ne veux pas cependant que, nous montrant insensibles, nous laissions maltraiter nos alliés, ni que nous fermions les yeux sur les manœuvres des Athéniens. Avant de faire aucun mouvement hostile, envoyons chez eux porter nos plaintes, sans manifester ni l’envie de prendre les armes, ni celle de céder à leurs