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THUCYDIDE, LIV. II.

point de grandeur par ses revenus et autrès moyens de prospérité. Pour la force militaire et le nombre des troupes, il le cède de beaucoup à celui des Scythes. Nulle puissance en Europe ne peut être comparée à ces derniers, et même il n’est aucune nation de l’Asie qui, prise séparément, fût capable de résister aux Scythes, s’ils étaient tous réunis : mais sous le rapport de la prudence et de l’habileté qu’exigent les diverses circonstances de la vie, ils n’égalent pas les autres peuples.

Chap. 98. Sitalcès, roi d’une si puissante contrée, se disposa donc à la guerre. Ses préparatifs terminés, il se mit en marche contre la Macédoine. Il traversa d’abord ses propres états, ensuite Cercine, montagne déserte, qui sépare les Sintes des Péoniens. Il suivait un chemin qu’il avait frayé lui-même en coupant les forêts, lorsqu’il portait la guerre aux Péoniens.

Dans leur route à travers cette montagne, qui commence où finit l’Odrysie, ses troupes avaient à droite les Péoniens, à gauche les Sintes et les Mædes. Après l’avoir franchie, elles arrivèrent à Dobère, ville de Péonie.

Sitalcès, dans cette marche, ne perdit d’hommes que par maladie : il en recueillit même de nouveaux ; car bien des Thraces autonomes, sans être appelés, le suivirent dans l’espoir du butin. Aussi dit-on que son armée ne montait pas à moins de cent cinquante mille hommes, la plupart fantassins. La cavalerie, où l’on comptait plus d’Odryses que de Gètes, était du tiers environ.

On distinguait parmi les troupes de pied, dont ils étaient l’élite, des guerriers armés de coutelas, peuplade autonome descendue du mont Rhodope. Le reste, multitude mélangée, n’avait de redoutable que le nombre.

Chap. 99. Rassemblées à Dobère, ces troupes se disposèrent à tomber de la haute Macédoine sur la basse, où régnait Perdiccas. On comprend dans la Macédoine les Lyncestes, les Hélimiotes, et d’autres nations de l’intérieur des terres qui leur sont alliées et soumises, et qui cependant ont des rois particuliers. Alexandre, père de Perdiccas, et ses ancêtres, les descendans de Téménus, originaires d’Argos, conquirent les premiers la contrée maritime, qu’on appelle aujourd’hui la Macédoine. Ils commencèrent par vaincre dans un combat et par chasser de la Piérie les Pières, qui dans la suite occupèrent Phagres et d’autres pays au-dessous du mont Pangée, au-delà du Strymon. À présent encore, on appelle golfe Piérique la côte maritime qui est au pied du Pangée. Ces princes repoussèrent aussi de ce qu’on nomme la Bottiée, les Bottiéens, qui confinent maintenant la Chalcidique. Ils conquirent la portion étroite de la Péonie qu’arrose le fleuve Axius, et qui va de l’intérieur des terres jusqu’à Pella et à la mer. Ils ont aussi sous leur puissance, au-delà de l’Axius, jusqu’au Strymon, ce qu’on appelle la Mygdonie, d’où ils ont chassé les Édoniens. Ils ont repoussé du pays nommé Éordie les Éordiens, dont le plus grand nombre a été détruit et dont les faibles restes se sont établis à Physca. Ils ont aussi chassé de l’Almopie les Almopes. Enfin, ces Macédoniens établirent leur puissance sur d’autres nations qui leur sont encore soumises, sur l’Anthémonte, la Crestonie, la Bisaltie, et une grande partie du terrain qui compose la haute Macédoine elle-même. Tous ces différens pays sont compris sous la dénomination commune de Macédoine ; et quand Sitalcès y porta la guerre, Perdiccas, fils d’Alexandre, y régnait.

Chap. 100. Les Macédoniens, hors d’état de résister à l’armée formidable