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THUCYDIDE, LIV. III.

Chap. 85. Les Corcyréens de la ville se livrèrent les premiers à leurs ressentimens les uns contre les autres. Eurymédon et les Athéniens se retirèrent avec la flotte qui les avait amenés. Dans la suite, les Corcyréens fugitifs, dont cinq cents environ avaient échappé aux massacres, s’emparèrent des forts élevés sur le continent, se rendirent maîtres du territoire opposé à leur île ; de là ils partaient pour aller piller les habitans de l’île, qu’ils incommodaient au point qu’une grande disette se fit sentir dans Corcyre. Ils envoyèrent des députés à Lacédémone et à Corinthe pour solliciter leur rappel ; et, comme on ne faisait rien pour eux, ils se procurèrent des vaisseaux et des troupes auxiliaires, et passèrent dans l’île au nombre de six cents au plus. Ils mirent le feu à leurs vaisseaux pour ne se réserver d’autre ressource que la conquête du pays, et s’établissant sur le mont Istône, ils le fortifièrent, inquiétèrent de là les habitans de la ville et devinrent maîtres de la campagne.

Chap. 86. À la fin du même été, les Athéniens expédièrent vingt vaisseaux en Sicile, sous les ordres de Lachès, fils de Mélanope, et de Charéade, fils d’Euphylète. Les Syracusains et les Léontins se faisaient la guerre. Les premiers comptaient pour alliées, excepté Camarina, toutes les villes doriennes, qui, dès le commencement des hostilités, s’étaient liées avec les Lacédémoniens, sans combattre cependant avec eux. Les Léontins avaient Camarina et les villes d’origine chalcidienne. En Italie, les Locriens favorisaient Syracuses, et ceux de Rhégium, les Léontins, à titre de consanguinité. Les alliés des Léontins députèrent à Athènes, en vertu de leur ancienne liaison et en qualité d’Ioniens, et engagèrent cette république à leur envoyer des vaisseaux, car les Syracusains les resserraient étroitement par terre et par mer. Les Athéniens y consentirent sous prétexte d’amitié ; mais, dans la vérité, ils voulaient empêcher qu’on exportât du blé de la Sicile dans le Péloponnèse, et essayer de se rendre maîtres de cette île. Ils abordèrent donc à Rhégium en Italie, et firent la guerre conjointement avec leurs alliés. L’été alors finissait.

Chap. 87. Au commencement de l’hiver, la peste attaqua une seconde fois les Athéniens : sans avoir jamais entièrement cessé, elle avait laissé quelque trève. Elle ne dura pas cette seconde fois moins d’une année ; la première fois elle avait duré deux ans. Il n’y eut rien qui accablât davantage les Athéniens, rien qui portât un aussi grand coup à leur puissance. Dans les armées ils ne perdirent pas moins de quatre mille trois cents hoplites et de trois cents cavaliers ; sans compter tant d’autres victimes. Il y eut en même temps plusieurs tremblemens de terre à Athènes, en Eubée, chez les Béotiens, et surtout à Orchomène de Béotie.

Chap. 88. Les Athéniens en Sicile et les troupes de Rhégium attaquèrent cet hiver, avec trente vaisseaux, les îles qui portent le nom d’Éole, et que la disette d’eau ne permet pas d’attaquer en été. Elles appartiennent aux Liparéens venus de Cnide ; celle qu’ils habitent a peu d’étendue, et se nomme Lipara. C’est de là qu’ils vont cultiver les autres, Didyme, Strongyle et Hiéra. Les gens du pays croient que dans la dernière Vulcain tient ses forges, parce qu’on lui voit jeter beaucoup de feu la nuit, et de la fumée pendant le jour. Ces îles, situées à la vue des campagnes des Sicules et des Messéniens, étaient dans l’alliance des Syracusains. Les Athéniens, après en avoir ravagé le territoire sans pouvoir forcer les habitans à se rendre, retour-

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