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THUCYDIDE, LIV. III.

et attaquèrent ensuite la Leucadie avec des forces imposantes. Tous les Acarnanes en masse, excepté les Éniades, les suivaient, ainsi que des troupes de Zacynthe et de Céphallénie, et quinze vaisseaux de Corcyre. Les Leucadiens, contenus par la supériorité du nombre, ne firent aucun mouvement, quoiqu’on ravageât tout-à-la-fois et leur territoire en dehors de l’isthme, et la partie qui est en dedans et renferme Leucade et l’hiéron d’Apollon. Les Acarnanes priaient Démosthène, général des Athéniens, d’investir la ville d’un mur fortifié, espérant la forcer sans peine, et se voir délivrés d’une place qu’ils avaient toujours eue pour ennemie. Mais, dans le même temps, les Messéniens persuadèrent à Démosthène que ce serait une entreprise digne de lui, avec une armée telle que la sienne, d’attaquer les Étoliens, ennemis de Naupacte ; que s’il les subjuguait, il soumettrait aisément aux Athéniens cette partie du continent ; qu’à la vérité, les Étoliens étaient une peuplade considérable et belliqueuse, mais qu’ils vivaient dans des bourgades non murées et fort éloignées les unes des autres : armés à la légère, on les vaincrait aisément avant qu’ils fussent parvenus à se rassembler. On lui conseillait d’attaquer d’abord les Apodotes, ensuite les Ophioniens ; après ceux-ci, les Eurytanes, formant la plus grande partie des Étoliens, qui ne vivent, dit-on, que de chair crue, et dont le dialecte est difficile à déterminer ; on lui représentait que, ceux-là une fois réduits, le reste se soumettrait.

Chap. 95. L’affection que ce général portait aux Messéniens le séduisit. Surtout il crut que, sans avoir besoin des forces d’Athènes, il pourrait, avec le secours des alliés de l’Étolie et du continent, traverser la Béotie par le pays des Locriens-Ozoles, et, tirant vers Cytinie la Dorique, qui a le Parnasse à droite, entrer chez les Phocéens ; que ceux-ci, à raison de leurs anciennes liaisons avec Athènes, ne refuseraient probablement pas de se joindre à lui, ou qu’au besoin on pourrait les y forcer. La Béotie confine à la Phocide. Il partit donc de Leucadie avec toute son armée, et suivit la côte pour gagner Sollium. N’ayant pu réussir à faire goûter ce projet aux Acarnanes, qui ne lui pardonnaient pas son refus d’investir Leucade, il alla, avec le reste de l’armée, Céphalléniens, Messéniens, Zacynthiens, et trois cents Athéniens servant sur sa flotte, porter la guerre aux Étoliens. Les quinze vaisseaux de Corcyre s’étaient retirés. Il partit alors d’Énéon, ville de la Locride : ces Locriens-Ozoles, alliés d’Athènes, devaient se joindre avec toutes leurs forces aux Athéniens vers l’intérieur des terres. On pouvait s’attendre à tirer un grand secours de leur alliance, parce que, voisins des Étoliens, ils ont les mêmes armes, et connaissent leur pays et leur manière de combattre.

Chap. 96. Il passa la nuit, avec son armée, dans l’hiéron de Jupiter néméen. Là, dit-on, le poète Hésiode fut tué par les gens du pays : un oracle lui avait prédit qu’il mourrait dans la Némée. On partit pour l’Étolie au lever de l’aurore. Le premier jour, on prit Potidanie ; le second, Crocylium, et le troisième, Tichium. Démosthène s’y arrêta, et envoya le butin à Eupolium en Locride. Car, après avoir réduit le reste, il avait dessein, si les Ophioniens ne se rendaient pas, de retourner à Naupacte, et de revenir les combattre. Mais son projet, à peine formé, était déjà connu des Étoliens ; et quand son armée entra dans le pays, on les vit de toutes parts et en grand nombre s’avancer à sa rencontre, secondés même des Bomiens et des Calliens, dont le territoire, situé à