Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
THUCYDIDE, LIV. IV.

les ordres du général ; de toutes parts environnés de périls, il ne leur restait ni moyen de défense, ni espoir de salut.

Chap. 35. Enfin, couverts pour la plupart de blessures, parce qu’ils étaient toujours demeurés fermes au même poste, ils serrent les rangs et se mettent en marche vers l’autre extrémité de l’île, peu éloignée, et où était la forteresse ainsi que leur troisième garde. Alors les psiles athéniens, dont ce mouvement de retraite a redoublé l’audace, poussent un nouveau cri d’attaque et pressent plus vivement encore. Tous les traîneurs qui tombent entre leurs mains sont massacrés. Le plus grand nombre cependant échappe et parvient jusqu’à la forteresse, se joint à la garnison, et court à tous les endroits les plus faibles. Les Athéniens les suivent : ne pouvant, à cause de la forte situation du lieu, ni les envelopper, ni les enfoncer, ils les attaquent de front, et s’épuisent en efforts pour les déloger de ce poste. L’assaut dura long-temps, et les deux partis, malgré la fatigue du combat, malgré le tourment de la soif et l’ardeur d’un soleil brûlant, s’acharnèrent, la plus grande partie du jour, les uns à chasser l’ennemi de son éminence, les autres à s’y maintenir. La résistance des Lacédémoniens était cependant moins pénible qu’auparavant, parce que leurs flancs étaient libres et hors de toute insulte.

Chap. 36. Comme rien ne se décidait, le chef des Messéniens vient trouver Cléon et Démosthène. « Vous prenez en vain beaucoup de peine, leur dit-il ; donnez-moi des archers et des psiles. J’espère trouver un chemin pour tourner l’ennemi, le prendre par derrière et forcer le passage. » Ayant obtenu ce qu’il avait demandé, il part d’un endroit couvert, pour n’être pas aperçu ; et longeant la chaîne escarpée des rochers qui bordaient l’île, et où les Lacédémoniens, se fiant sur la force naturelle du lieu, ne faisaient point la garde, il poursuit sa marche difficile et périlleuse, qu’il parvient à leur dérober. Tout-à-coup il se montre sur la hauteur, au dos des assiégés, que cette apparition subite frappe de surprise et d’effroi. Les Athéniens, au contraire, qui, se voient enfin au comble de leurs vœux, sentent renaître leurs forces. Dès ce moment, les Lacédémoniens, en butte aux traits des deux côtés à-la-fois, se virent, si l’on peut comparer les petites circonstances aux grandes, dans la même position où s’étaient trouvés leurs ancêtres aux Thermopyles. Là, ces derniers périrent sous les coups des Perses, qui, par un étroit sentier, étaient parvenus à les cerner ; ici, une poignée d’hommes combattait accablée de traits et enfermée entre deux armées supérieures en nombre. Enfin, le corps épuisé de faiblesse et d’inanition, ils commençaient à céder, et déjà les Athéniens étaient maîtres de toutes les avenues.

Chap. 37. Cléon et Démosthène, voyant que plus l’ennemi reculerait, plus il perdrait de monde, arrêtèrent l’impétuosité de leurs soldats, et suspendirent le combat. Ils voulaient emmener les Lacédémoniens vivans ; dans le cas où, après une nouvelle sommation, vaincus par la considération de leur danger présent, ils seraient découragés au point de mettre bas les armes. On leur fit donc proposer par un héraut de livrer leurs armes et de se rendre eux-mêmes à discrétion.

Chap. 38. La plupart répondirent à cette proposition en jetant à terre leurs boucliers et en agitant les mains en signe d’acquiescement. Une trève fut conclue. Cléon et Démosthène s’abouchèrent avec Styphon, fils de Pharax, alors à la tête des Lacédémoniens. Des deux généraux ses prédécesseurs, le premier, Épitadas,