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THUCYDIDE, LIV. IV.

timent ; mais que s’ils restaient, les généraux d’Athènes les allaient livrer au peuple de Corcyre.

Chap. 47. Ils donnèrent dans le piége. Le vaisseau était prêt ; mais ils furent arrêtés au moment du départ, et dès-lors la convention se trouva rompue. Les généraux athéniens aidèrent à l’infraction du traité d’une manière bien propre à rendre croyable la mauvaise intention que leur prêtaient ceux de Ptychie, et à inspirer plus d’ardeur à ceux qui concertaient des tentatives d’évasion. En effet, ces généraux, qui étaient obligés d’aller en Sicile, affectaient de montrer qu’ils ne voulaient pas que ces prisonniers, transportés par d’autres à Athènes, fissent recueillir à ceux qui les conduiraient tout l’honneur du succès. Les Corcyréens renfermèrent ces infortunés dans un grand édifice, et les faisant sortir par vingtaine à-la-fois, ils les menaient attachés les uns aux autres, entre deux rangs d’hoplites, qui frappaient et piquaient [de leurs dards] ceux d’entre ces malheureux qu’ils reconnaissaient pour ennemis. Des hommes armés de fouets hâtaient la marche de ceux qui s’avançaient trop lentement.

Chap. 48. Soixante furent ainsi emmenés et exécutés, sans que ceux qui restaient dans la prison se doutassent de leur sort : ils les croyaient transférés dans quelque autre prison. Mais bientôt ils soupçonnent ce qui se passe, dont quelqu’un d’ailleurs les instruit. Ils implorent les Athéniens ; ils les prient de leur donner eux-mêmes la mort, s’ils veulent qu’ils périssent. Ils refusaient de quitter le lieu où ils étaient enfermés, et menaçaient de mettre tout en œuvre pour empêcher d’entrer. Les Corcyréens ne songeaient pas non plus à forcer les portes : ils montèrent sur les combles, levèrent les toits, et de là faisaient pleuvoir des flèches et dès tuiles : les prisonniers se garantissaient de leur mieux ; et cependant la plupart se donnaient eux-mêmes la mort. Ils s’égorgeaient avec les flèches qui leur étaient lancées ; à l’aide de cordes, ils se pendaient à des lits qui se trouvaient dans la prison, et ceux qui n’avaient pas de cordes, s’en faisaient de leurs manteaux déchirés. Durant la plus grande partie de la nuit qui survint pendant cette scène d’horreur, ils périssaient en s’étranglant par toute sorte de moyens, ou frappés du haut de l’édifice. Le jour venu, les Corcyréens entassèrent les cadavres sur des charrettes, et les portèrent hors de la ville : on réduisit en esclavage toutes les femmes prises dans le fort. Tel fut le traitement que les Corcyréens du parti populaire firent subir à ceux de leurs concitoyens qui s’étaient réfugiés sur la montagne. Ainsi finirent les troubles devenus si affreux, ceux du moins qui se liaient à cette guerre ; quant aux troubles qui ne s’y rattachaient pas [et qui pouvaient durer encore], ils ne méritent pas qu’on en parle. Les Athéniens partirent pour la Sicile, suivant leur première destination, et firent la guerre conjointement avec les alliés de cette contrée.

Chap. 49. Les troupes d’Athènes qui étaient à Naupacte, entrèrent en campagne avec les Acarnanes à la fin de l’été, et prirent par trahison Anactorium, ville située à l’embouchure du golfe d’Ampracie, et colonie des Corinthiens. Les Acarnanes, ayant chassé de toutes parts les colons corinthiens, occupèrent le territoire ; et l’été finit.

Chap. 50. Au commencement de l’hiver, Aristide, fils d’Arcippus, l’un des commandans des vaisseaux que les Athéniens avaient envoyés lever les tributs des alliés, prit à Éione, sur le Strymon, un Perse nommé Artapherne, envoyé du roi à Lacédémone. Il fut conduit à Athè-

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