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THUCYDIDE, LIV. IV.

se mirent aussitôt à investir Nisée d’un mur de circonvallation, dans la pensée que s’ils enlevaient cette place avant qu’on la secourût, la reddition de Mégares traînerait moins en longueur. Ils ne tardèrent pas à recevoir d’Athènes du fer, des tailleurs de pierres, tout ce dont ils avaient besoin. Ils commencèrent la construction, en partant du mur dont ils étaient maîtres, et ils continuèrent (du côté de la mer) le mur qui va à Mégares, en le prolongeant des deux côtés de Nisée jusqu’à la mer. L’armée se partagea le travail des murs et du fossé ; on se servit des pierres et des briques du faubourg ; on coupa dans la forêt des bois de toute espèce ; on dressa des palissades aux endroits qui en avaient besoin, et les maisons du faubourg, en recevant des créneaux, furent elles-mêmes changées en fortifications. On consacra à ce travail la journée tout entière : le lendemain, à la chute du jour, le mur était presque entièrement terminé. La garnison renfermée dans Nisée manquait de vivres, sans qu’on pût, comme de coutume, lui en apporter de la ville haute. D’ailleurs elle ne s’attendait pas à recevoir prochainement des secours de la part des Péloponnésiens, et elle regardait les Mégariens comme ennemis. Frappée des dangers de sa position, elle capitula, et convint de se racheter pour une somme d’argent par tête, de livrer les armes, et d’abandonner à la discrétion des Athéniens les Lacédémoniens, leur commandant, et tous ceux qui se trouveraient dans Nisée. Elle sortit à ces conditions. Les Athéniens interceptèrent les communications de Mégares à la mer, en coupant une portion des longs murs, à partir de Mégares ; et devenus maîtres de Nisée, ils prirent les diverses mesures que nécessitait cette conquête.

Chap. 70. Malheureusement pour Athènes, Brasidas de Lacédemone, fils de Tellis, se trouvait alors dans la Sicyonie et la Corinthie, se préparant à une expédition contre l’Épithrace. À la nouvelle de la prise des longs murs, craignant pour les Péloponnésiens de Nisée, et même pour Mégares, il manda aux Béotiens de venir en diligence à sa rencontre à Tripodisque, bourg de la Mégaride, au pied du mont Géranie : lui-même partit avec deux mille sept cents hoplites de Corinthe, quatre cents de Phlionte, six cents de Sicyone, et tout ce qu’il avait déjà rassemblé de troupes. Il comptait prévenir la prise de Nisée. Il apprend qu’elle vient de se rendre : faisant route alors de nuit pour Tripodisque, il prend avec lui quatre cents hommes d’élite, et s’approche de Mégares sans être aperçu des Athéniens campés sur le rivage. Il annonçait l’intention, qu’il avait en effet, d’attaquer Nisée, s’il entrevoyait la possibilité du succès ; mais il désirait surtout d’entrer dans Mégares et de mettre la ville en sûreté. Il pria les habitans de le recevoir, leur témoignant qu’il ne désespérait pas de reprendre Nisée.

Chap. 71. Mais des deux factions qui partageaient Mégares, l’une craignait que Brasidas, faisant rentrer les exilés, ne la chassât elle-même ; l’autre, que le peuple, dans cette appréhension, ne se jetât sur elle, et que la ville, ayant la guerre dans son sein, ne devînt la proie des Athéniens qui la guettaient. On refusa donc de le recevoir : les deux partis résolurent de rester tranquilles observateurs de l’événement : ils s’attendaient à un combat entre les Athéniens et ceux qui étaient venus pour défendre la place, et pensaient qu’il y aurait plus de sûreté à se rapprocher du parti victorieux, qui offrirait une garantie à l’opinion qu’on avait manifestée. Brasidas, n’ayant pu réussir à persuader, alla rejoindre le gros de son armée.