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THUCYDIDE, LIV. V.

ne seraient pas obligés de prendre part à l’alliance d’Athènes ; que les Lacédémoniens, avant de recommencer les hostilités contre les Athéniens et de rompre la trève, désiraient avoir pour amis et pour alliés les Argiens ; ils savaient que de tout temps les Lacédémoniens avaient souhaité Argos pour alliée, et que c’était le moyen de faire plus aisément la guerre hors du Péloponnèse. Ils priaient les Béotiens de leur remettre Panactum, afin, s’il était possible, d’obtenir des Athéniens Pylos en échange, ce qui rendrait plus facile la guerre contre ces derniers.

Chap. 37. Les Béotiens et les Corinthiens se retirèrent, chargés par Xénarès, Cléobule, et tout ce qu’il y avait de Lacédémoniens liés au même parti, de ces instructions pour leurs républiques. Deux Argiens, revêtus des plus hautes dignités, les guettèrent sur le chemin à leur retour, les rencontrèrent, et eurent avec eux des entretiens, dont l’objet était d’attirer les Béotiens dans leur alliance, à l’exemple des Corinthiens, des Éléens et de ceux de Mantinée. Ils pensaient qu’au moyen de cette fédération, et agissant de concert, il leur serait dès-lors aisé de faire à leur gré la guerre ou la paix, même avec les Lacédémoniens, s’ils le voulaient, et au besoin avec toute autre puissance.

Les députés de Béotie écoutèrent avec plaisir cette proposition ; car le hasard voulait qu’on leur demandât précisément ce que leurs amis de Lacédémone leur avaient recommandé de stipuler.

Les deux Argiens, voyant cette ouverture si bien reçue, dirent en se retirant qu’ils enverraient des députés en Béotie. Les Béotiens, à leur arrivée, instruisirent les béotarques de ce qu’ils avaient fait à Lacédémone, et des propositions des Argiens qu’ils avaient rencontrés. Les béotarques, flattés de ces nouvelles, redoublèrent d’ardeur, en voyant que leurs amis de Lacédémone demandaient précisément les mêmes choses pour lesquelles, dans Argos, on marquait tant d’empressement.

Peu de temps après, vinrent les députés de cette république les inviter à suivre le plan qu’on leur avait proposé. Les béotarques leur témoignèrent, en les congédiant, combien l’objet de leur mission leur était agréable, et leur promirent d’envoyer une députation pour contracter alliance avec leur république.

Chap. 38. Cependant les béotarques, les Corinthiens, les Mégariens et les députés de l’Épithrace, jugèrent d’abord à propos de s’engager, par un serment réciproque à donner, au besoin, des secours à ceux d’entre eux qui en réclameraient, et à ne faire ni guerre ni paix que d’un commun accord : à ces conditions, les Béotiens et les Mégariens, qui faisaient cause commune, traiteraient avec les Argiens. Mais, avant de faire le serment, les béotarques communiquèrent cette résolution aux quatre conseils chargés de toute l’administration de la Béotie, et représentèrent qu’il convenait qu’on exigeât un serment respectif des républiques qui voudraient s’engager dans l’alliance défensive. Les conseils ne furent pas de cet avis, craignant de déplaire à Lacédémone s’ils se liaient par serment aux Corinthiens, qui s’étaient détachés de son alliance. Les béotarques en effet ne leur avaient pas dit qu’à Lacédémone, les éphores Cléobule et Xénarès, et leurs amis, leur avaient insinué d’entrer d’abord dans l’alliance d’Argos et de Corinthe, pour parvenir ensuite à celle de leur république. Ils avaient cru que les conseils, sans les mettre dans la confidence, décréteraient ce qu’eux-mêmes, d’après la résolution prise, leur proposeraient d’adopter. L’affaire ayant pris une tournure moins