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THUCYDIDE, LIV. VII.

Chap. 41. Enfin ceux de Syracuses remportèrent une victoire complète. Les Athéniens, mis en fuite, se réfugiaient dans leur station, en passant entre leurs bâtimens de charge. Les Syracusains ne les poursuivirent pas jusqu’à ces bâtimens : les antennes suspendues au-dessus des espaces intermédiaires par lesquels on pouvait entrer, et qui portaient des dauphins de plomb, les en empêchaient. Deux vaisseaux syracusains qui osèrent s’en approcher avec la confiance que donne la victoire, furent très endommagés, et même l’un des deux fut pris avec les hommes qu’il portait. Les Syracusains avaient coulé bas sept vaisseaux d’Athènes, en avaient maltraité beaucoup d’autres, avaient pris et tué des hommes. Ils se retirèrent, et célébrèrent par des trophées leur double victoire. Dès-lors ils avaient l’intime conviction qu’ils étaient beaucoup plus forts sur mer ; ils croyaient même qu’ils se rendraient maîtres de l’armée de terre, et se disposaient à une nouvelle attaque sur les deux élémens.

Chap. 42. Sur ces entrefaites apparaissent Démosthène et Eurymédon avec les secours que leur envoyaient les Athéniens : soixante-treize vaisseaux, y compris ceux des étrangers, cinq mille hoplites d’Athènes et des alliés, nombre de barbares et d’Hellènes armés de javelots, des frondeurs, des archers, et tout le reste d’un formidable appareil. À cet aspect, les Syracusains sont consternés : verront-ils jamais un terme à leurs maux ? Seront-ils jamais délivrés de tant de dangers ? Ils en doutaient, voyant que, malgré les fortifications qu’on opposait aux Athéniens à Décélie, il arrivait encore une armée toute aussi forte que la première, et qu’Athènes déployait en tout lieu des forces imposantes.

L’armée primitive des Athéniens venait de recevoir, eu égard à son triste état, un grand accroissement de force. Démosthène, voyant l’état des choses, sentit qu’il ne devait ni perdre du temps, ni commettre la même faute que Nicias. Terrible à son arrivée, ce général, au lieu de fondre aussitôt sur les Syracusains, ayant passé tout l’hiver à Catane, avait perdu dans l’opinion, et avait donné à Gylippe et à l’armée du Péloponnèse le temps de le prévenir. Les Syracusains n’auraient pas même demandé ce renfort, si Nicias les eût d’abord attaqués ; ils n’eussent été détrompés et convaincus de leur faiblesse qu’au moment même où ils se seraient trouvés investis, et si alors ils eussent demandé du secours, ils n’en auraient pas tiré le même avantage.

Telles furent les réflexions de Démosthène : persuadé qu’il ne paraîtrait jamais plus formidable à l’ennemi que le premier jour de son arrivée, il voulut profiter de l’effroi qu’inspirait la présence de la nouvelle armée. Il voyait que les Syracusains n’avaient élevé qu’un simple mur pour empêcher les Athéniens de les investir, et que, pour l’enlever aisément et sans qu’on osât résister, il ne fallait que se rendre maître de la montée d’Épipoles, et en outre du camp qui s’y trouvait placé. Il se hâta donc de tenter l’entreprise, croyant abréger ainsi la durée de la guerre. S’il réussissait, il entrait à Syracuses ; sinon, il remmenerait l’armée, sans perdre inutilement les troupes engagées dans l’expédition et ruiner la république entière. Les Athéniens donc sortirent de leurs retranchemens, et ravagèrent le territoire que baignait l’Anapus. Ils eurent, comme auparavant, la supériorité sur terre et sur mer ; car les Syracusains ne leur opposèrent, d’un côté ni de l’autre, aucune résistance : il ne sortit contre eux que la cavalerie et les gens de trait de l’Olympium.