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THUCYDIDE, LIV. VIII.

Chap. 63. Cependant l’empire de la mer fut mieux assuré à ceux de Chio et aux Péloponnésiens, et Astyochus prit courage à la nouvelle du combat naval et du départ de Strombichide et de la flotte de Milet. En longeant les côtes, il passe à Chio avec deux vaisseaux, en tire ceux qui y étaient, et vogue contre Samos avec la flotte entière. Mais bientôt il revint à Milet : les Athéniens, se défiant toujours les uns des autres, n’étaient pas venus à sa rencontre. En effet, à cette époque, et même auparavant, Athènes venait d’abolir la démocratie : car l’armée, d’une part, depuis le retour de Pisandre et de ses collègues de chez Tissapherne, s’était prononcée bien plus fortement qu’auparavant (les Samiens eux-mêmes, qui précédemment s’étaient révoltés contre l’oligarchie, ayant engagé les principaux de cette armée à tenter l’établissement du régime oligarchique) ; et, d’autre part, les Athéniens qui étaient dans Samos, s’étant concertés entre eux, avaient décidé qu’il fallait laisser Alcibiade, qui sans doute ne voudrait pas les seconder (car il ne leur paraissait pas homme à se prononcer pour le régime oligarchique) : c’était à eux, disaient-ils, qui se trouvaient au milieu du danger, à ne pas s’abandonner eux-mêmes, à soutenir la guerre, à s’empresser de fournir et de l’argent et tout ce dont on pouvait avoir besoin, puisqu’ils travaillaient dans leur intérêt privé non moins que dans l’intérêt de tous.

Chap. 64. Après s’être donc ainsi mutuellement exhortés, ils envoyèrent droit à Athènes Pisandre et la moitié des députés, pour y conduire les affaires, avec ordre d’établir l’oligarchie dans toutes les villes sujettes où ils aborderaient, et ils firent passer l’autre moitié en diverses villes sujettes. Quant à Diotréphès, qui se trouvait à Chio, et qu’on venait de nommer commandant du littoral de la Thrace, il partit pour sa destination. Arrivé à Thasos, il y abolit le gouvernement populaire. Mais, après son départ, et dès le mois suivant, les Thasiens n’eurent rien de plus pressé que de ceindre leur ville de murs, comme ne se souciant plus d’une aristocratie combinée avec celle des Athéniens, et s’attendant chaque jour à se voir affranchis par Lacédémone. En effet leurs exilés, chassés par les Athéniens, se trouvaient au milieu des Péloponnésiens ; et, d’accord avec les amis qu’ils avaient laissés chez eux, ils travaillaient de tout leur pouvoir à leur faire amener une flotte de Lacédémone et à soulever Thasos. Il leur arriva ce qu’ils désiraient le plus ; le bon ordre fut rétabli sans danger, et la démocratie, qui leur eût été contraire, fut abolie. Thasos, et bien d’autres villes sujettes, je crois, éprouvèrent tout le contraire de ce que demandaient ceux des Athéniens qui établissaient l’oligarchie ; car les villes, voyant mieux et opérant plus sûrement, passèrent à une liberté décidée, se gardant bien de lui préférer cette administration qui, donnée par les Athéniens, cachait sous une apparence de vigueur de véritables ulcères.

Chap. 65. Cependant Pisandre et ses collègues, ainsi qu’il leur avait été ordonné, longeant les côtes, abolirent la démocratie dans les villes ; et, dans quelques-unes, prenant, pour leur propre sûreté, des hoplites, arrivèrent enfin à Athènes. Ils trouvèrent les choses bien avancées pour la plupart par ceux de leur faction : car quelques jeunes gens, s’étant concertés, avaient tué secrètement Androclès, l’un des principaux soutiens de la démocratie, lequel n’avait pas peu contribué à l’exil d’Alcibiade. Deux motifs les avaient surtout portés à ce meurtre ; ils voulaient se défaire de