Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/453

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La guerre du Péloponnèse ne finit pas avec l’histoire de Thucydide. Xénophon, qui le premier fit connaître cet œuvre immortel, l’a continué dans son livre des Helléniques, et conduit l’histoire de la Grèce jusqu’à la deuxième bataille de Mantinée. Cet ouvrage admirable sous tant de rapports ne nous a pas paru de nature à intéresser aussi vivement nos lecteurs que la Cyropédie et la Retraite des Dix-Mille. Nous dirons même en passant que les batailles de Leuctres et de Mantinée sont présentées par Xénophon de telle sorte, qu’elles deviennent inintelligibles aux yeux du militaire le plus exercé. Ceci paraît bien étrange ; il ne l’est pas moins de voir Xénophon insinuer à son lecteur que le héros Thébain fit plus pour sa gloire que pour le véritable avantage de sa patrie. N’est-ce donc rien que de l’avoir élevée tout-à-coup à un aussi haut degré de splendeur ? Sans la mort d’Épaminondas, Thèbes allait peut-être balancer les destinées de la Grèce avec Athènes et Lacédémone. Revenons à la guerre du Péloponnèse.

Au temps où finit l’histoire de Thucydide, et où commence celle de Xénophon, Sparte jouissait d’une grande supériorité sur Athènes sa rivale ; elle lui disputait même l’empire de la mer, mais uniquement avec l’argent du roi des Perses, le secours des satrapes et les vaisseaux des alliés : elle avait à peine elle-même quelques galères.

Cependant il était presque sans exemple qu’une armée spartiate eût été battue ; et telle était l’influence de l’esprit qui, dans cette république, animait tous les membres de l’état, que la victoire suivait ses phalanges, lors même qu’elles n’étaient composées que d’alliés et de nouveaux citoyens.

Bien que la mer séparât Lacédémone de la plupart des contrées où elle faisait respecter ses lois, une bataille navale, quel qu’en fût le succès, n’opérait pas un changement sensible ou durable dans l’état de ses affaires, parce qu’on ne ferme pas la mer comme on bloque une ville, et que la constance des Spartiates suppléait à leur habileté et souvent même à la fortune qui, sur mer, semblait s’être déclarée en faveur des Athéniens.

Xénophon commence ses Helléniques par quelques événemens peu remarquables, et il décrit la conduite singulière des Athéniens à l’égard d’Alcibiade, qui les servait quoique banni, qu’ils aimaient et outrageaient tour-à-tour, mais qu’ils ne cessaient d’admirer et de craindre. L’historien fait ensuite le récit du combat des Arginuses, dont la perte eut entraîné celle d’Athènes, de cette ville orgueilleuse et imprévoyante qui succomba également après l’avoir gagnée, parce qu’elle ne put soutenir ce retour de prospérité.

Les Athéniens étaient bien supérieurs aux Spartiates pour le nombre des vaisseaux ; et le pilote de Callicratidas, commandant la flotte lacédémonienne, lui conseillait d’éviter le combat. « Ma mort, répondit Callicratidas, ne rendra pas Sparte moins heureuse, et il serait honteux de fuir. » Il périt dans le combat. De dix vaisseaux lacédémoniens, neuf furent coulés à fond. Les alliés de Sparte en perdirent soixante. Les Athé-