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mille hommes) en Asie, où rien ne put mettre obstacle à ses entreprises. Il ne fut contraint d’y renoncer qu’à cause des troubles qui survinrent alors dans la Grèce. En conséquence, Philippe réfléchissant d’un côté sur la mollesse et la lâcheté des Perses, de l’autre sur l’expérience des Macédoniens dans l’art militaire ; considérant encore la grandeur, l’éclat et les avantages de cette expédition qui devait lui concilier la bienveillance des Grecs ; saisit le prétexte de les venger des Perses, prit son essor, et disposa tout pour l’entreprise. »

Philippe avait ordonné à Attalus et à Parménion de passer en Asie avec des troupes, et se préparait à les suivre, quand à l’âge de quarante-six ans il fut poignardé par un Macédonien vendu aux satrapes Persans, si l’on en croit le manifeste qu’Alexandre publia lors de son entrée en Asie.

Ce prince, qui lui succéda, avait toutes les qualités nécessaires pour réaliser un aussi vaste projet. Au bruit des succès de son père, Alexandre se plaignait à ses compagnons d’enfance, et craignait qu’on ne lui laissât rien à faire. Des ambassadeurs du roi de Perse étant arrivés un jour à la cour de Macédoine pendant l’absence de Philippe, Alexandre les reçut, et au lieu de leur adresser des questions naturelles à son âge, concernant les jardins suspendus en l’air, la richesse et la magnificence des palais de la cour de Perse qui excitaient l’admiration du monde ; il demanda quelle était la route de l’Asie Majeure ; les distances entre les villes principales ; en quoi consistaient réellement les forces du roi de Perse ; quelle place il occupait dans une bataille ; comment enfin il gouvernait ses sujets.

En montant sur le trône, Alexandre se vit environné de dangers. Outre les peuples barbares vaincus par Philippe et impatiens de secouer le joug, les Grecs étaient résolus de profiter de l’occasion pour recouvrer la liberté dont Philippe les avait dépouillés. Le péril était si pressant, que les Macédoniens les plus prudens conseillèrent à leur prince d’user d’adresse et de politique, plutôt que d’employer la force de ses armes. Mais ces conseils pusillanimes étaient loin du caractère d’Alexandre ; il jugea sagement que si ses ennemis remarquaient en lui la moindre hésitation, ils tomberaient tous à la fois sur ses états, et lui enlèveraient les conquêtes de son père.

Il marcha d’abord contre les barbares, voulant les subjuguer de manière qu’ils ne pussent désormais troubler la tranquillité de son royaume, et désirant aussi en tirer des secours pour l’aider à la conquête qu’il méditait. Ces avantages furent en effet le fruit de la défaite des Thraces, des Triballiens, des Autoriates, des Taulentiens, des Pæoniens et des Gètes.

Alexandre était encore au-delà de l’Ister, quand il apprit que sur un faux bruit de sa mort, répandu par les orateurs de la Grèce, toutes les villes allaient se révolter, et qu’à Thèbes on avait même égorgé deux de ses officiers. Alexandre rentra en Macédoine, traversa en six jours une partie de la Thessalie, et franchit les Thermopyles.

Il semble que ce prince voulait sauver les Thébains ; au moins leur donna-t-il tout le temps de revenir à eux-mêmes ; mais une proclamation insensée, qu’ils firent publier du haut d’une tour, pour insulter le nouveau roi de Macédoine, précipita leur ruine. Les habitans de cette malheureuse cité se défendirent avec une bravoure digne des vainqueurs de Leuctres et de Mantinée. La vengeance de l’ennemi put à peine être assouvie par une journée entière de massacres.

Les Thébains s’étaient attiré cette