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XÉNOPHON, LIV. IV.

marche, au nombre de deux mille environ. Il pleuvait beaucoup. Pour couvrir leurs mouvemens, et tourner toute l’attention des ennemis sur le grand chemin qu’on voyait, Xénophon s’y porte avec les troupes de l’arrière-garde. On arrive à un ravin qu’il fallait passer avant de gravir sur la montagne ; alors les Barbares roulent de grosses et de petites pierres : il y en avait de rondes et de telles qu’elles auraient fait la charge d’une voiture. Ces pierres, en rebondissant sur les rochers se fendaient en éclats, et acquéraient la rapidité de celles qu’on lance avec la fronde : il était absolument impossible d’approcher du chemin. Quelques-uns des chefs de lochos faisaient semblant de chercher des sentiers moins impraticables. On continua cette manœuvre jusqu’à ce que la nuit fût noire. Quand on crut pouvoir se retirer sans que les ennemis le vissent, l’armée revint souper ; car ceux des soldats, qui avaient été le matin d’arrière garde, n’avaient pas même dîné. Les ennemis ne cessèrent pendant la nuit de rouler des morceaux de rocher : on le conjectura d’après le bruit qu’on entendit. Les volontaires, qui avaient le guide avec eux, ayant pris un détour, surprennent une grand-garde de l’ennemi assise auprès d’un feu qu’elle avait allumé ; ils en tuent une partie, poursuivent les autres jusqu’à des précipices, et restent dans ce poste croyant être les maîtres du sommet de la montagne. Ils se trompaient, et étaient dominés par un autre mamelon, près duquel passait le chemin étroit qu’ils suivaient et qu’ils avaient trouvé gardé par l’ennemi. Mais du poste qu’ils avaient forcé, on pouvait marcher au gros des Carduques qui barraient la grande route à la vue des Grecs. Les volontaires se tinrent où ils étaient et y passèrent la nuit.

Dès que le jour pointa, ils marchèrent en ordre et en silence à l’ennemi ; et, comme il faisait du brouillard, ils s’en approchèrent sans être vus. Quand on s’aperçoit enfin réciproquement, la trompette donna le signal, et les Grecs ayant jeté des cris militaires, coururent sur les Barbares. Ceux-ci ne les attendirent pas, mais prirent la fuite et abandonnèrent la défense du chemin : on en tua peu, car ils étaient agiles à la course. Chirisophe et ses troupes, entendant le son de la trompette, marchèrent aussitôt par la grande route. D’autres généraux suivirent les sentiers qu’ils trouvèrent, et montèrent comme ils purent, les Grecs se tirant en haut les uns les autres avec leurs piques. Ce furent ceux-là qui joignirent les premiers les volontaires qui avaient deposté l’ennemi. Xénophon avec la moitié de l’arrière-garde, prit le même chemin que le guide avait indiqué aux volontaires, car il était plus commode pour les bêtes de somme. Ce général fit suivre l’autre moitié derrière les équipages. Dans sa marche se trouve une colline qui dominait le chemin et qui était occupée par des troupes ennemies ; il fallait ou les tailler en pièces, ou se trouver séparé du reste des Grecs. On aurait bien pris le même chemin qu’eux, mais celui que l’on suivait était le seul où pussent passer les équipages. Les Grecs, s’étant exhortés les uns les autres, montèrent à la colline formés en colonnes par lochos ; ils n’attaquaient point l’ennemi de tous côtés, mais lui laissaient une retraite pour l’engager à prendre la fuite. Les Barbares, voyant monter les Grecs, quittèrent leur poste en fuyant, et sans avoir lancé ni flèches, ni javelots, sur ce qui défilait dans le chemin au-dessous d’eux. Les Grecs avaient déjà dépassé cette colline ; ils en voient en avant une autre occupée par l’ennemi, et jugent à propos d’y marcher. Mais Xénophon craignant que s’il laissait sans défense le poste dont il ve-