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non découvraient leur flanc. Les Macédoniens eurent besoin d’être soutenus par la présence d’Alexandre. Enfin ils parvinrent à forcer les retranchemens, et les assiégés se retirèrent dans deux petits forts qui tenaient à la ville.

Après cette belle défense, Memnon que Darius avait déclaré son amiral et son gouverneur de la côte d’Asie, s’étant emparé de plusieurs îles, se préparait à porter la guerre en Grèce, lorsque la mort arrêta ses projets. La perte d’un tel homme fut le coup le plus fatal dont la fortune pouvait frapper l’empire des Perses. Memnon était digne de combattre Alexandre, et la nouvelle résolution de Darius, quoique tardive, pouvait arrêter le héros Macédonien en changeant la nature de la guerre.

Alexandre appréciait Memnon et ne négligea rien pour le détacher du service des Perses par des voies d’honneur. Passant avec son armée auprès des terres de cet illustre capitaine, il publia des défenses sévères pour les faire respecter par ses soldats. De son côté, Memnon se piquait de générosité envers son ennemi, et un jour qu’il entendait un des siens déprécier les actions de ce prince : « Je ne t’ai pas pris à ma solde, lui cria-t-il en le frappant de sa javeline, pour dire du mal d’Alexandre, mais pour le combattre. »

Darius n’ayant aucun général capable de suivre les projets de Memnon de Rhodes, les abandonna pour chercher des ressources dans ses armées d’Orient. Alexandre apprit que le roi des Perses était campé avec toutes ses forces à Sochos, dans la Comagène ; il se mit en marche, franchit le passage des montagnes de la Cilicie et se dirigea sur Myriandre.

Afin de bien entendre les mouvemens de ces deux princes, et pour mieux fixer la situation du lieu où se donna la bataille, il faut savoir que la Cilicie est environnée au midi par la Méditerranée ; au nord, à l’orient, et au couchant par une chaîne de montagnes assez semblables à une anse qui s’appuie de part et d’autre sur les côtes de la mer. Ces montagnes laissent trois portes ou pas. Le premier défilé se rencontre en descendant du mont Taurus, pour aller à la ville de Tarse ; le second est le pas de Syrie par lequel on sort de la Cilicie ; le troisième se nomme le pas Amanique, ainsi appelé du mont Amanus par lequel la Cilicie communique avec l’Assyrie.

Informé que l’armée persane avait abandonné son poste avantageux, Alexandre fit pendant la nuit repasser les montagnes à ses troupes par le pas de Syrie, en même temps que les Perses achevaient de franchir les portes Amaniques. Ces gorges ne se trouvaient distantes l’une de l’autre que de cinq parasanges (environ trois lieues) ; la dernière était au nord, et la première au midi ; par conséquent l’armée persane avait à dos les Macédoniens.

Alexandre s’était décidé à lui laisser ce passage ouvert pour l’empêcher de faire usage de toutes ses forces, suivant l’avis de Parménion qui conseillait d’éviter les plaines, où l’on courait risque d’être environné et vaincu, plutôt par sa propre lassitude et par le nombre, que par la valeur de l’ennemi.

Le lieu où se donna la bataille (333 av. not. ère) était près de la vallée d’Issus[1], fermé au nord par des montagnes, et au midi par la mer. La rivière de Pinare divisait la plaine en deux portions à-peu-près égales, et les montagnes formaient un enfoncement dont l’extrémité venant à se recourber, embrassait une partie du terrain. Le roi des Perses s’étant emparé d’Issus, campa le lendemain au-delà du Pinare, et Alexandre

  1. Voyez l’ATLAS.