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XÉNOPHON, LIV. VII.

poser le tout à terre comme pour le distribuer aux soldats, et commença le sacrifice.

Xénophon envoya chercher Cléandre ; il le pria de lui obtenir la permission de rentrer dans Byzance et de s’y embarquer. Cléandre lui rendit une seconde visite. « J’ai eu de la peine, lui dit-il, à vous faire accorder la permission que vous sollicitiez. Il n’est pas à-propos, m’a répondu Anaxibius, que Xénophon soit dans Byzance, l’armée campant presque sous ses murs ; il m’a ajouté que les habitans de cette ville étaient divisés par des factions, et cherchaient à se nuire les uns aux autres. Il vous permet cependant d’y rentrer si vous voulez en partir, et mettre à la voile avec lui. » Xénophon, après avoir pris congé de ses soldats, revint donc avec Cléandre, et les portes lui furent ouvertes.

Cyratade, le premier jour, n’obtint point de présages heureux, et ne distribua rien aux Grecs ; le lendemain les victimes étaient déjà près de l’autel, et Cyratade couronné allait sacrifier. Timasion Dardanien, Néon d’Asinée et Cléanor d’Orchomène s’avancèrent vers lui, lui dirent de suspendre le sacrifice, et lui annoncèrent qu’il ne commanderait point l’armée s’il ne lui fournissait des vivres. Il ordonna qu’on mesurât et distribuât ceux qu’il avait apportés ; mais comme il s’en fallait beaucoup qu’il n’y en eût assez pour nourrir pendant un seul jour tous les Grecs, il se retira emmenant les victimes et renonçant au généralat.

Néon d’Asinée, Phrynisque Achéen et Timasion Dardanien, restèrent à l’armée, et s’étant avancés dans le pays, campèrent près des villages voisins de Byzance et appartenant aux Thraces ; les généraux n’étaient pas d’accord entre eux ; Cléanor et Phrynisque voulaient conduire l’armée au service de Seuthès ; car ce Thrace les avait gagnés, et avait fait présent à l’un d’eux d’un cheval à l’autre d’une femme. Néon souhaitait qu’on se portât vers la Chersonèse. Il pensait que si l’armée était en pays dépendant des Lacédemoniens, le commandement suprême lui serait probablement déféré. Timasion brûlait de repasser en Asie. Il espérait être admis peut-être ainsi à rentrer dans sa patrie ; c’était le vœu des soldats. Le temps s’écoulait cependant ; beaucoup de soldats vendirent leurs armes dans le pays, et s’embarquèrent comme ils purent pour retourner dans leur patrie ; d’autres les donnèrent aux habitans de la campagne, et se mêlèrent à ceux des villes voisines. Anaxibius apprit avec plaisir cette dispersion de l’armée. Il avait été la cause première de cet événement, et croyait avoir fait le plus grand plaisir à Pharnabaze.

Anaxibius étant parti de Byzance sur un vaisseau, rencontra à Cyzique Aristarque, qui venait remplacer Cléandre et prendre le gouvernement confié à ce Lacédémonien. Aristarque annonça que Polus désigné amiral, et qui devait succéder à Anaxibius, était au moment d’arriver dans l’Hellespont. Anaxibius ordonna à Aristarque de vendre tous les soldats de l’armée de Cyrus qui seraient restés dans Byzance, et qu’il y trouverait encore. Cléandre n’avait point mis à exécution ce décret. Il avait au contraire rendu des soins aux malades, en avait pris compassion, et avait contraint les habitans de la ville de les loger. Aristarque dès qu’il arriva, en vendit au plus vite au moins quatre cents. Anaxibius mit à la voile pour Parium, et envoya de là à Pharnabaze pour lui rappeler leurs mutuels engagemens. Mais ce satrape ayant appris qu’Aristarque, nouveau gouverneur de Byzance, était ar-

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