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XÉNOPHON, LIV. VII.

rent le devant, ne voulant point avoir à partager le butin avec cette foule, tant ils croyaient que les trésors d’Asidate n’attendaient que leurs mains.

On arriva vers minuit. On laissa volontairement échapper des environs de la tour des esclaves et beaucoup d’autre butin qu’on négligea. On n’en voulait qu’à Asidate et à ses biens. On attaqua en vain la tour de vive force. Ne pouvant s’en emparer ainsi (car elle était grosse, élevée, munie de créneaux et défendue par un grand nombre de braves gens), on tâcha de s’ouvrir une route par la fouille. L’épaisseur du mur était de huit briques ; il y eut cependant une ouverture pratiquée à la pointe du jour. Aussitôt un des assiégés perça avec une grande broche la cuisse de celui des Grecs qui se trouva le plus près, et d’ailleurs, par une grêle de flèches, les Barbares rendaient les approches très dangereuses. Ils jetaient de grands cris ; ils allumaient des feux pour signaux. Itabelius marcha à leur secours avec ses forces. Les hoplites qui étaient en garnison à Comanie, environ quatre-vingts chevaux de la cavalerie hyrcanienne à la solde du roi, et près de huit cents armés à la légère s’avançaient. Il sortit aussi de la cavalerie, de Parthénium, d’Apollonie et des lieux voisins.

Il était temps de penser aux moyens de faire la retraite ; on prit tous les bœufs, touut le menu bétail, tous les esclaves qu’on put rassembler ; on les enferma dans une colonne à centre vide qu’on forma. Ce n’était pas qu’on songeât encore à revenir chargés de butin ; on ne s’occupait qu’à empêcher que la retraite n’eût l’air d’une fuite, et à ne pas enhardir l’ennemi et décourager le soldat en abandonnant ce qu’on avait pris. On se retira donc en posture de défendre le butin. Gongylus, qui voyait le petit nombre des Grecs et la multitude des ennemis dont ils étaient poursuivis, sortit, malgré sa mère, avec ses forces pour prendre part à l’affaire. Proclès, descendant de Damarate, amena aussi du secours d’Élisarne et de Teuthranie. La troupe de Xénophon, écrasée par les flèches qu’on lui décochait et par les pierres que lançaient les frondes, marcha faisant face de tous côtés pour opposer ses armes aux traits de l’ennemi, et repassa à grand’peine le Caïque. Près de la moitié des Grecs étaient blessés ; Agasias de Stymphale, chef de lochos, le fut aussi en cet endroit, ayant toujours combattu avec le plus grand courage. Enfin, les Grecs achevèrent leur retraite, conservant environ deux cents esclaves et ce qu’il leur fallait de menu bétail pour offrir des sacrifices aux Dieux.

Le lendemain, après avoir immolé ces victimes, Xénophon conduisit de nuit toutes les troupes le plus loin qu’il put dans la Lydie, afin qu’Asidate ne craignît plus son voisinage et négligeât de se garder ; mais ce Perse ayant été instruit du sacrifice de Xénophon, et sachant que ce général avait de nouveau consulté les Dieux, et devait marcher contre lui avec toute l’armée, alla loger dans des villages sous Parthénium et contigus à cette ville. Il y tomba précisément dans les troupes que conduisait Xénophon. On le prit avec sa femme, ses enfans, ses chevaux et tous ses trésors. Ainsi fut accompli ce que les Dieux avaient annoncé lors du premier sacrifice. Les Grecs se retirèrent à Pergame, et Xénophon n’eut point à se plaindre de Jupiter, car les Lacédémoniens, les chefs de lochos, les autres généraux et les soldats convinrent de lui donner ce qu’il y avait de plus précieux dans le butin ; des chevaux, des attelages et d’autres effets. Non seulement il fut enrichi par là, mais il se trouva même en état d’obliger ses amis.