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Quelque exagéré que paraisse le calcul des historiens, lorsqu’ils nous montrent l’armée de Darius s’élevant à un million d’hommes, on doit pourtant accorder qu’il n’est pas hors de vraisemblance, puisque toutes les nations depuis le Pont-Euxin jusqu’aux extrémités de l’Orient, avaient envoyé des secours puissans au roi des Perses. On voit même que la plaine d’Arbelle, quoique très vaste, ne suffit pas pour contenir de front toute l’infanterie de Darius, et qu’il est obligé de mettre derrière son corps de bataille, les troupes entières de plusieurs nations.

À l’aile gauche (331 av. not. ère), était la cavalerie des Bactriens, des Dahes, et des Arachotes ; près d’eux, la cavalerie et l’infanterie des Perses appuyés sur les Sussiens, et ceux-ci sur les Cadusiens qui touchaient au centre[1].

À la tête de l’aile droite se trouvaient les Cœlo-Syriens, et les habitans de la Mésopotamie ; suivaient les Mèdes, les Parthes, les Saques, les Topyriens, les Hyrcaniens, les Albaniens et les Sacésiniens, qui venaient rejoindre le centre de l’armée composé de la famille de Darius et des grands de la Perse. Ils étaient entourés d’un corps d’Indiens, d’un autre de Cariens Anapastes, et soutenus par un corps d’archers Mardes. Darius avait encore rassemblé autour de lui l’infanterie grecque à sa solde, la seule qu’il pût opposer à la phalange macédonienne.

Derrière le corps de bataille, on voyait les Uxiens, les Babyloniens, les Sitaciniens, et les habitans des bords de la Mer Rouge. Cette seconde ligne forma une espèce de corps de réserve, mais étant placée trop près de la première, elle ne fit qu’augmenter la confusion. Darius fit flanquer son aile gauche par la cavalerie scythe, et une partie de celle des Bactriens. La cavalerie de l’Arménie et celle de la Cappadoce se trouvaient devant l’aile droite.

Tous ces peuples étaient différemment armés, quelques-uns seulement d’armes de jet ; d’autres de piques de toute espèce, de haches ou de massues. Il y avait de la cavalerie mêlée parmi l’infanterie qui formait des carrés énormes d’une prodigieuse profondeur. Darius avait formé son armée en bataille lorsqu’il eut connaissance de la marche d’Alexandre. Il la tint sous les armes toute la journée de peur de surprise, et cette inaction qui fatiguait inutilement ses troupes, en ralentit l’ardeur.

Arrivé aux montagnes d’où il pouvait observer l’ennemi, Alexandre fit faire halte, et consulta ses généraux pour savoir s’il fallait sur-le-champ marcher à l’ennemi, ou camper dans ce lieu même. Ce dernier parti parut le meilleur, et l’on campa dans l’ordre où l’on était. C’est alors que Parménion, appuyé de tous les chefs, proposant d’attaquer pendant la nuit, et de surprendre le camp des Perses, Alexandre lui répliqua qu’il ne voulait pas dérober la victoire. Ce prince exprimait avec noblesse la pensée d’un homme de guerre expérimenté, puisque les attaques à l’improviste pendant la nuit trompent souvent l’attente des plus braves. D’ailleurs, les Perses connaissaient parfaitement le terrain, tandis que les Macédoniens n’avaient pu s’en former encore aucune idée.

Alexandre s’était occupé toute la nuit à méditer ses dispositions, n’ayant cédé au sommeil que sur le point du jour. Ses généraux le trouvèrent encore endormi lorsqu’ils vinrent prendre ses ordres, et Parménion ne put s’empêcher de lui témoigner quelque surprise, de le voir si calme au moment où son sort allait être décidé. « Comment ne serais-je pas tranquille, lui repartit

  1. Voyez l’ATLAS.