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LA CYROPÉDIE, LIV. IV.

voyaient devaient les conduire à un riche pillage. Cyrus se vit donc suivi de presque tous les Mèdes, à l’exception des officiers de la maison de Cyaxare ; ceux-ci restèrent avec leurs soldats : les autres partirent avec l’allégresse et l’ardeur de gens qui marchent sans contrainte, de plein gré, avec affection pour leur général. Lorsque l’armée entière fut sortie du camp, Cyrus vint aux Mèdes les premiers. Après avoir loué leur bonne volonté, il pria les Dieux de les assister eux et les siens, et de le mettre lui-même en état de reconnaître leur zèle. Il ordonna ensuite que l’infanterie marchât la première, que la cavalerie mède la suivît, et que toutes les fois qu’on ferait halte pendant la route, ou qu’on prendrait du repos, on eût soin de détacher vers lui quelques cavaliers pour leur donner les ordres nécessaires.

Après ces dispositions, il commanda aux Hyrcaniens de se mettre à la tête de l’armée. « Pourquoi, lui dirent-ils, n’attendez-vous pas, avant de marcher, que nous ayons amené nos otages pour garans de notre fidélité ? — C’est que je considère, répondit Cyrus, que nous avons tous des garans dans notre courage et dans la force de nos bras : nous sommes dans une position à pouvoir vous récompenser, si vous dites vrai ; mais si vous nous trompez, nous croyons que, loin de dépendre de vous, nous saurons, avec la protection des Dieux, devenir les arbitres de votre sort. Au reste, puisque, selon votre rapport, vos compatriotes sont à la queue de l’armée, montrez-nous-les dès que vous les découvrirez, afin que nous les épargnions. » Les Hyrcaniens, à ces mots, se mirent, selon son commandement, à la tête des troupes. Pénétrés d’admiration pour sa magnanimité, ils ne redoutaient ni les Assyriens, ni les Lydiens, ni leurs alliés ; ils craignaient seulement que Cyrus ne jugeât indifférent de les avoir ou de ne les avoir pas pour auxiliaires.

On raconte que la nuit étant survenue pendant qu’ils étaient en route, une lumière brillante, qui partait du ciel, se répandit soudain sur Cyrus et son armée, ce qui excita dans toutes les âmes une frayeur religieuse et redoubla leur ardeur. Comme les troupes marchaient à grands pas, et légèrement équipées, elles firent tant de chemin, qu’à la pointe du jour elles avaient déjà joint le corps des Hyrcaniens. D’aussi loin que les envoyés les virent : Voilà nos compatriotes, dirent-ils à Cyrus ; nous les reconnaissons à leur position à la queue de l’armée et à la multitude des feux. À l’instant il leur fit dire par un de ces envoyés que s’ils étaient amis, ils vinssent promptement à lui la main droite levée. Il députa aussi quelqu’un des siens : il le chargeait de dire aux Hyrcaniens qu’on en agirait avec eux comme ils en agiraient eux-mêmes. Tandis que l’un des deux envoyés hyrcaniens allait vers ses compatriotes, l’autre demeura auprès de Cyrus, qui fit faire halte pour observer comment les Hyrcaniens se comporteraient. Dans cet intervalle, Tigrane et les chefs des Mèdes piquèrent vers lui pour lui demander ce qu’ils devaient faire. Ces troupes que vous voyez près de nous, répondit-il, sont celles des Hyrcaniens : un de leurs envoyés, accompagné de quelqu’un des nôtres, est allé leur dire que s’ils sont amis ils aient à venir à nous en levant la main droite. S’ils se présentent ainsi, que chacun de vous à son rang leur réponde par le même signe et les rassure ; mais s’ils prennent leurs armes ou qu’ils cherchent à s’enfuir, faites en sorte qu’il n’en échappe aucun.

Tel fut l’ordre de Cyrus. Les Hyrcaniens, de leur côté, eurent à peine en-