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XÉNOPHON.

val, pour gagner la tête de l’armée. Il examinait, sans rien dire, les différentes compagnies : s’il voyait des soldats marcher en silence et bien alignés, il s’approchait d’eux, demandait leur nom, et dès qu’il le savait, il leur donnait des éloges. S’il remarquait de la confusion dans quelque endroit, il tâchait d’en démêler la cause et d’y remédier. J’oubliais une de ses précautions dans cette marche de nuit. Il fit précéder toute l’armée d’un peloton de gens hardis et dispos, qui pussent voir Chrysante et en être vus : ils devaient l’avertir de tout ce qu’ils entendraient ou découvriraient. Cette troupe était commandée par un officier chargé de les équiper, et de transmettre à Chrysante les avis importans, sans le fatiguer de rapports inutiles. C’est ainsi qu’ils marchèrent cette nuit là.

Lorsque le jour parut, Cyrus laissa, pour soutenir l’infanterie cadusienne qui venait la dernière, la cavalerie de la même nation, et fit prendre les devans aux autres corps de cavalerie ; parce que ayant l’ennemi en tête, il voulait être en état, ou de combattre avec toutes ses forces, s’il trouvait de la résistance, ou de poursuivre les fuyards, si on en apercevait quelques-uns. Dans cette vue, il avait toujours sous la main des escadrons tout prêts à donner la chasse aux ennemis, si la circonstance l’exigeait, et d’autres qui restaient auprès de lui ; car il ne souffrait pas que la cavalerie entière se détachât. Telle fut la disposition de sa marche, durant laquelle il n’eut point de poste fixe : il allait sans cesse d’un endroit à l’autre, visitant les différens corps et pourvoyant à leurs besoins.

Chap. 4. Cependant un des principaux officiers de la cavalerie de Gadatas, considérant que son maître avait secoué le joug du roi d’Assyrie, s’imagina que si Gadatas éprouvait un revers, il pourrait en obtenir la dépouille. Dans cette pensée, il dépêche au roi l’un de ses plus fidèles serviteurs, chargé de lui dire, s’il le trouvait sur les terres de Gadatas avec son armée, qu’il serait facile de faire tomber dans une embuscade le rebelle et toutes ses troupes.

L’envoyé devait encore déclarer au roi quelles étaient ces forces, le prévenir que Cyrus ne les accompagnait pas, lui apprendre par quel chemin ce prince arriverait. Pour s’attirer plus de confiance, il écrivait à d’autres serviteurs qu’ils livrassent au monarque assyrien un château qu’il possédait dans les états de Gadatas, avec tous les effets qui y étaient renfermés. Il mandait de plus au roi, que s’il réussissait, il le joindrait quand il aurait tué Gadatas ; s’il manquait son coup, il passerait du moins à son service le reste de sa vie. L’envoyé se rendit en diligence auprès du roi ; et lui déclara ce qui l’amenait. Aussitôt le roi s’empare de la forteresse, et fait poster dans les villages voisins, qui se touchaient presque les uns les autres, un gros corps de cavalerie et des chars. Gadatas, arrivé près de ce lieu, envoya quelques soldats à la découverte : dès que le roi les vit approcher, il fit sortir deux ou trois chars, et un petit nombre de cavaliers, qui avaient ordre de prendre la fuite, comme des gens qui ne se sentent point en force et qui ont peur. Les soldats de Gadatas les voyant fuir, se mettent à les poursuivre, et font signe à leur chef d’avancer : Gadatas, trompé par le stratagème, poursuit à toute bride. Les Assyriens le croyant à leur discrétion, sortent d’embuscade. À cette apparition, Gadatas fuit ; on le charge avec furie : le traître qui en voulait à ses jours, l’atteint, le frappe, et le blesse à l’épaule, d’un