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LA CYROPÉDIE, LIV. V.

brûlerons leurs villages, nous ravagerons la campagne, afin qu’ils ne voient plus d’objets qui les réjouissent, et qu’ils n’aient plus que le spectacle de leurs propres calamités. Que les chefs, ajouta-t-il, aillent prendre leur repas. Vous, Cadusiens, dès que vous serez retournés à votre quartier, choisissez vous-mêmes, selon votre usage, un chef pour veiller à vos besoins, sous la protection des Dieux et sous la mienne : quand vous aurez dîné, vous m’enverrez celui que vous aurez choisi. » Ils procédèrent, sans délai, à l’élection.

Cyrus ayant fait sortir les troupes du camp, et assigné au chef que les Cadusiens venaient d’élire, le poste qu’il devait occuper : « Aie soin, lui dit-il, de faire marcher près de moi tes soldats, afin que nous travaillions ensemble à les ranimer. » L’armée partit : lorsqu’elle fut arrivée au lieu où les Cadusiens avaient été battus, on enterra les morts ; on pilla la campagne ; et les troupes rentrèrent, chargées de butin, sur les terres de Gadatas.

Il vint alors en pensée à Cyrus, que les peuples voisins de Babylone qui avaient embrassé son parti, seraient maltraités après son départ. Il chargea donc tous les prisonniers qu’il mit en liberté et qu’il fit accompagner par un héraut, d’annoncer de sa part au roi d’Assyrie, que si ce prince s’engageait à ne point troubler les travaux des laboureurs dont les maîtres l’avaient abandonné pour entrer dans l’alliance des Perses, lui, Cyrus, traiterait de même et ne vexerait en aucune manière les laboureurs assyriens. « Si vous les empêchez de cultiver leurs champs, devait ajouter le héraut, vous ne ferez tort qu’à un petit nombre d’hommes, car les terres de mes nouveaux alliés sont peu étendues ; au lieu que je laisserais aux vôtres la culture de vastes campagnes. La récolte des fruits, si la guerre continue, sera le partage du plus fort : elle vous appartiendra, si nous faisons la paix. Dans le cas où quelques-uns violeraient le traité, en prenant les armes, les miens contre vous, les vôtres contre moi ; nous nous unirons pour les punir. » Le héraut partit avec cette instruction.

Les Assyriens, informés des propositions de Cyrus, firent tout pour engager leur roi à les accepter, comme un moyen de diminuer les maux de la guerre. Le roi, soit à la persuasion de ses sujets, soit de son propre mouvement, consentit au traité : il fut donc convenu qu’il y aurait paix pour les cultivateurs, guerre entre gens armés. Malgré cet accord en faveur des laboureurs, Cyrus, en offrant à ses alliés sûreté dans leurs pâturages, leur permit, afin qu’ils continuassent plus volontiers la campagne, de dévaster les terres des peuples non compris dans le traité. En effet, en s’abstenant du pillage on n’en est pas plus à l’abri du danger ; tandis que la fatigue paraît plus légère en vivant aux dépens de l’ennemi.

Pendant que Cyrus se préparait à partir, Gadatas vint lui offrir de nouveaux présens, dont la profusion et la variété prouvaient son opulence : entre autres, quantité de chevaux qu’il avait ôtés à ses cavaliers, n’osant plus se fier à eux depuis l’embuscade. « Seigneur, dit-il en abordant Cyrus, dispose dès-à-présent de toutes ces choses comme il te plaira : ce qui me reste, n’est pas moins à toi. Il n’est point né et jamais il ne naîtra de moi d’enfans à qui je puisse laisser mon héritage ; il faut qu’avec moi périssent et ma race et mon nom. Cependant, Cyrus, j’en atteste les Dieux, qui voient et entendent tout, je n’ai jamais mérité, par aucune