Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
711
LA CYROPÉDIE, LIV. VI.

d’éprouver du dépit, les troupes de Cyrus voleront avec plus d’ardeur que jamais à la conquête des richesses lydiennes. »

Ainsi parla Chrysante ; son discours plut aux alliés ; tous y applaudirent. « Je suis d’avis, dit Cyrus, qu’on se mette au plutôt en marche, afin d’arriver, les premiers, s’il est possible, où les ennemis font leurs magasins : plus nous ferons diligence, plus nous les prendrons au dépourvu. Tel est mon avis ; si quelqu’un connaît une mesure ou plus facile ou plus sûre, qu’il la propose. » Comme presque tous les chefs convenaient qu’il était nécessaire de marcher promptement à l’ennemi, et que personne n’ouvrait un avis contraire, Cyrus reprit ainsi :

« Depuis long-temps, braves alliés, nos âmes, nos corps, nos armes, sont, grâce aux Dieux, dans le meilleur état : ne songeons maintenant qu’à nous pourvoir de vivres à-peu-près pour vingt jours, tant pour nous que pour les bêtes de charge qui nous suivront ; car, à mon compte, nous mettrons plus de quinze journées à traverser un pays où nous ne trouverons point de subsistances, parce que nous en avons enlevé, nous, une partie, et les ennemis autant qu’il leur a été possible. Munissons-nous donc de provisions de bouche : elles sont nécessaires pour combattre et pour vivre. À l’égard du vin, que chacun n’en prenne qu’autant qu’il lui en faut pour s’accoutumer par degrés à boire de l’eau : obligés de marcher long-temps sans trouver de vin, quelque provision que nous en fassions, nous n’en aurons pas assez. Mais afin que la privation subite de cette boisson ne nous cause point de maladie, voici ce qu’il faut faire. Dès à présent, commençons à ne boire que de l’eau pendant nos repas : ce changement nous sera peu sensible ; car ceux d’entre nous qui vivent de farine, la délayent dans l’eau, pour en faire une pâte ; le pain dont les autres se nourrissent, est de même pétri avec de l’eau ; c’est avec de l’eau, qu’on fait cuire tout ce qui se mange. Pourvu que nous buvions un peu de vin à la fin du repas, nous ne nous trouverons pas mal de ce régime. On retranchera ensuite une portion de ce vin, jusqu’à ce que nous ayons l’habitude de ne boire que de l’eau. Tout changement qui s’opère peu à peu, devient supportable pour tous les tempéramens. C’est ce que nous enseigne la divinité, en nous faisant passer insensiblement de l’hiver aux chaleurs brûlantes de l’été, et des chaleurs au grand froid : imitons-la, arrivons par degrés où il faut que nous en venions nécessairement.

Emportez, au lieu de lits, un poids égal en choses nécessaires à la vie ; il n’y a jamais de superflu en ce genre. Ne craignez pas de dormir moins tranquillement, parce que vous n’aurez ni lits ni couvertures ; si cela vous arrive, c’est à moi que vous vous en prendrez : en santé comme en maladie, il suffit d’être bien vêtu. Il faut s’approvisionner de viandes salées et de haut goût ; ce sont celles qui excitent l’appétit et se conservent long-temps. Lorsque nous arriverons dans des lieux non pillés, d’où nous pourrons tirer du blé, il faudra nous pourvoir de moulins à bras pour le broyer ; de tous les instrumens à faire du pain, c’est le moins pesant.

N’oublions pas non plus les médicamens pour les malades, ils ne chargent pas beaucoup, et dans l’occasion ils serviront infiniment. Munissons-nous aussi de courroies pour attacher une infinité de choses que portent les