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XÉNOPHON.

Grand Jupiter, puissé-je, comme je le désire, voir cet homme entre mes mains ! »

Après ce discours, il fait retirer les prisonniers ; et, comme il se retournait pour parler aux officiers qui l’environnaient, arrive un nouvel envoyé de la part du commandant des coureurs, qui lui dit qu’on apercevait dans la plaine un gros corps de cavalerie : nous conjecturons, ajouta-t-il, qu’il vient pour reconnaître l’armée ; car il est précédé d’une centaine de cavaliers qui se portent en diligence de notre côté, peut-être à dessein de nous enlever notre poste, où il n’y a que dix hommes. Cyrus aussitôt ordonna à quelques-uns des cavaliers qu’il avait toujours sous la main, d’aller s’embusquer auprès de ce poste, sans y faire aucun mouvement, et sans être vus de l’ennemi. « Dès que les dix hommes qui l’occupent pour nous, ajouta-t-il, l’auront abandonné, montrez-vous tout-à-coup, et chargez ceux qui s’en seront emparés. Que le grand escadron qui est dans la plaine ne vous inquiète pas : toi, Hystaspe, marche à sa rencontre avec mille chevaux ; mais prends garde de t’engager dans des lieux que tu ne connais pas ; contente toi de protéger nos postes, et reviens. Si quelques ennemis accourent vers toi en levant la main droite, accueille-les avec amitié. »

Hystaspe alla prendre ses armes : les cavaliers partirent suivant l’ordre de Cyrus. Ils n’avait pas encore atteint les postes occupés par les coureurs, lorsqu’ils rencontrèrent Araspe et sa suite, cet Araspe envoyé à la découverte des projets ennemis, ce gardien de la belle Susienne. D’aussi loin que Cyrus l’aperçut, il se leva de son siége, courut au-devant de lui, et lui tendit la main. Ceux qui se trouvèrent présens, ne sachant rien, comme cela devait être, de leur secrète intelligence, furent étonnés de cet accueil, jusqu’au moment où Cyrus leur tint ce discours :

« Mes amis, leur dit-il, vous voyez un brave homme qui revient nous joindre : il est temps que tout le monde sache ce qu’il a fait. Ce n’est ni le remords du crime, ni la crainte de mon ressentiment qui l’ont obligé à nous quitter : c’est moi qui l’ai envoyé dans le camp des ennemis, pour pénétrer dans leurs secrets et nous en instruire. Oui, Araspe, je me souviens des promesses que je t’ai faites ; nous nous unirons tous pour les remplir. Il est juste, braves compagnons, que vous honoriez avec moi la vertu d’un homme qui, pour nous servir, a eu le courage et d’exposer sa vie, et de se charger de l’apparence d’un crime. » Les chefs embrassèrent Araspe, et lui présentèrent la main. « C’en est assez, dit Cyrus. Maintenant, Araspe, apprends-nous ce qu’il nous importe de savoir, sans nous flatter aux dépens de la vérité sur le nombre des ennemis : il vaudrait mieux qu’on nous eût trompés en exagérant qu’en diminuant leurs forces.

— J’ai tout fait, répondit Araspe, pour m’en éclaircir ; car je les aidais moi-même à ranger leur armée en bataille. — Tu es donc instruit, et de leur nombre et de leur ordonnance. — Par Jupiter ! je sais de plus de quelle manière ils se proposent d’engager le combat. — Dis-nous d’abord quel est en gros le nombre de leurs troupes. — Elles sont rangées, tant la cavalerie que l’infanterie, sur trente de hauteur, à l’exception des Égyptiens, et occupent un terrain d’environ quarante stades : j’ai apposé la plus grande attention pour m’assurer de l’étendue qu’elles couvraient. — Tu as dit à l’exception des Égyptiens : quelle est donc leur ordonnance ? — Leurs myriarques for-