Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/760

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
759
LA CYROPÉDIE, LIV. VIII.

participions aux avantages de tous les pays ; ce qui est assez juste, puisque nous devons les défendre s’ils sont attaqués. »

Quand il eut cessé de parler, il distribua les gouvernemens à ceux de ses amis qui les désiraient, aux conditions annoncées. Le choix tomba sur les plus capables : Mégabyse eut l’Arabie, Artabate la Cappadoce, Artacamas la grande Phrygie, Chrysante la Lycie et l’Ionie, Adusius la Carie, qui l’avait elle-même demandé, Pharnuchus l’Éolide et la Phrygie voisine de l’Hellespont. La Cilicie, Cypre, la Paphlagonie, qui avaient suivi le prince de leur bon gré au siège de Babylone, n’eurent point de gouverneurs perses ; mais on les assujettit au tribut. Le plan qu’alors adopta Cyrus, subsiste encore aujourd’hui : les garnisons des places fortes sont restées jusqu’ici dans la dépendance immédiate du roi ; c’est lui qui en nomme les commandans, et leurs noms sont inscrits sur ses états.

Avant le départ des satrapes, Cyrus leur recommanda d’imiter, autant qu’ils pourraient, la conduite qu’ils lui avaient vu tenir ; de former d’abord, tant des Perses qu’ils avaient avec eux, que des alliés, un corps de cavalerie et de conducteurs de chars ; d’exiger que ceux qui posséderaient des maisons et des terres dans l’étendue de leurs gouvernemens, se rendissent assidûment à la porte de leurs palais, qu’ils observassent la tempérance, et vinssent s’offrir d’eux-mêmes pour exécuter ce qu’on voudrait leur ordonner ; de faire élever leurs enfans sous leurs yeux, comme il le pratiquait dans son palais ; de mener souvent à la chasse les hommes faits qui fréquenteraient la cour ; de les entretenir dans les exercices militaires et de s’y entretenir eux-mêmes.

« Celui d’entre vous, ajouta-t-il, qui, relativement à ses facultés, aura le plus grand nombre de chars, la meilleure et la plus nombreuse cavalerie, peut s’assurer que je le considérerai comme un brave et fidèle ami, comme un ferme soutien de l’empire des Perses et de ma puissance. Que chez vous ainsi que chez moi, les places d’honneur soient toujours occupées par les plus dignes : que votre table soit, comme la mienne, servie avec assez d’abondance pour qu’elle nourrisse d’abord votre maison, et que ensuite vous puissiez y recevoir vos amis, et donner à ceux qui se seront distingués, une marque de considération, en les y admettant. Ayez des parcs fermés ; nourrissez-y des bêtes fauves : faites de l’exercice avant vos repas, et ne souffrez point qu’on donne à manger à vos chevaux qu’ils n’aient été travaillés. Avec toute la force que comporte la condition humaine, je ne pourrais, seul, vous défendre, vous tous et vos biens : si je dois vous aider de ma valeur et de celle de mes braves compagnons, il faut aussi que vous me secondiez de votre valeur et de celle de vos braves. Considérez, je vous prie, que je n’ordonne à nos esclaves aucune des pratiques que je vous prescris ; et que je n’exige rien de vous que je ne m’efforce de faire moi-même. En un mot, exhortez ceux qui tiendront de vous une portion d’autorité à suivre votre exemple, comme je vous invite à suivre le mien. »

Ces divers réglemens se sont conservés jusqu’ici sans altération. Les garnisons et leurs chefs sont dans la dépendance immédiate du roi : la porte des chefs est assidûment fréquentée : dans les maisons du peuple, comme dans celles des grands, la coutume est toujours que les places les plus honorables soient remplies par les plus dignes. On observe, quand le roi marche, le même ordre dont j’ai parlé ; et malgré